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Live reports / 07.07.2014

Lucky Peterson

Troisième date d’une tournée européenne consacrée à la promotion de son tout nouvel album, “The Son Of A Bluesman”, Lucky Peterson se produisait le 3 juillet dans la magnifique salle du Théâtre de l’Odéon, accompagné de son orchestre habituel (que l’on retrouvait déjà à ses côtés dans le “Live At The 55 Arts Club Berlin” de 2012), orchestre renforcé des claviers de Marvin Hollie et des chœurs de Fayth Jefferson.

En première partie, le quatuor jazz du guitariste Philippe Petrucciani interpréta quelques classiques de son frère Michel ainsi que des standards revisités à la sauce hard bop, au cours d’un set où le batteur Manhu Roche se distingua par sa finesse et son énergie.

Une demi-heure plus tard, le Lucky Peterson Band entra sur scène au son d’un Boogie thang bien emmené par un Shawn Kellerman étonnant de présence et de virtuosité à la guitare.

 


Shawn Kellerman et Raul Valdes

 

Tout sourire, facétieux et ravi d’être là, Lucky déboula juste après sur un Funky broadway très… funk, qu’il fit évoluer vers un groove soul jazz lui permettant de démontrer, si besoin était, qu’il demeure l’un des plus grands spécialistes de l’orgue Hammond. Quelle puissance ! Quelle force de conviction ! Passant au piano électrique, il enchaîna avec le blues It ain’t safe (extrait de l’album “Double Dealin’” de 2001) puis, très en forme vocalement, poursuivit avec la magnifique complainte country-soul Trouble.

 


Lucky Peterson

 

Un peu déstabilisé par un public très réservé et visiblement mal armé linguistiquement pour comprendre et répondre à ses sollicitations, Lucky empoigna alors sa guitare et s’en alla faire un tour dans la salle via un pot-pourri de standards zébrés de solos intenses (Cold shot, Mary had a little lamb – Buddy Guy, qui jouait le même soir à l’Olympia, dut avoir les oreilles qui sifflent… – Dust my broom) qui eut le mérite de faire (enfin) se lever le public, public qui ne trouva rien de mieux à faire que de se rasseoir lorsque Lucky revint sur scène… Dommage pour l’ambiance, ainsi que pour l’enthousiasme des musiciens, un peu douché par tant d’introversion…

 

 


Lucky Peterson et Timothy Waites

 

S’ensuivirent trois titres tirés du dernier album, magistralement interprétés : Blues in my blood (marqué par l’arrivée de Fayth Jefferson et de Tamara Tramell-Peterson aux chœurs), la reprise uptempo du hit de Johnny Nash I can see clearly now (sur laquelle Timothy Waites à la basse et Raul Valdes à la batterie firent des étincelles) et la ballade autobiographique I’m still here au milieu de laquelle Lucky, de retour à l’orgue, se lança dans un discours où il exprima, avec une franchise désarmante, les problèmes personnels auxquels il avait dû faire face et la manière dont il était parvenu à les surmonter, notamment grâce à sa foi qui ne l’avait jamais quitté. Ce fut un moment d’émotion plutôt touchant, inhabituel dans un concert de Lucky Peterson, mais trop long et qui ne reçut que peu d’écho dans la salle, à tel point que Lucky lui-même parut s’y ennuyer !

Il prit alors le parti de chambouler sa setlist pour réveiller un auditoire qui ne parvenait décidemment pas à comprendre qu’on attendait de lui un retour, une chaleur, des encouragements (c’est un concert de blues, que diable, pas de la musique de chambre !), via un medley de reprises interprétées au piano solo, un peu trop décousues pour convaincre (un couplet par ci, un bout de refrain par là…) : I’m ready, Who’s been talkin’, Let’s go get stoned (hommage à Brother Ray, lunettes de soleil et gestuelle comprises), SuperstitionSweet home chicago (fallait-il vraiment aller jusque-là pour convaincre ?) et Voodoo child (dernier morceau à la guitare, qu’il aura au final assez peu touchée). Une reprise gospel de I’m still here plus tard (elle aussi enluminée par des parties vocales de toute beauté) et ce fut la fin officielle du concert.

 


Lucky Peterson, Shawn Kellerman et Marvin Hollie

 

 

Le public, enfin sorti de sa torpeur, rappela l’orchestre avec conviction. Celui-ci revint sur scène au grand complet mais Lucky prévint d’emblée : le rappel serait de courte durée si les spectateurs ne se mettaient pas debout immédiatement ! Message reçu 5 sur 5, pour une fin de concert ébouriffante dans laquelle s’illustrèrent les chanteuses Fayth Jefferson (étourdissante de conviction sur Night time is the right time et Rock steady) et Tamara Tramell-Peterson, dont le charisme et les capacités vocales indiquent clairement qu’elle est bien plus que la simple femme-choriste de son mari (Knocking, Proud Mary). Le concert se conclut sur les chapeaux de roue par un Boogie woogie blues joint party chaud bouillant.

Au final : un très bon concert, un peu pénalisé par un public amorphe, avec un Lucky plus mature que par le passé, moins cabot, très concentré et toujours aussi magnétique à la guitare, et tout simplement exceptionnel au chant et à l’orgue.

Le jeune loup a vécu et se transforme progressivement en vieux sage, ce qui laisse augurer d’une suite de carrière passionnante dont nous suivrons avec intérêt les prochains développements.

Ulrick Parfum

Photos © Fouadoulicious

 


Lucky Peterson, Fayth Jefferson et Tamara Tramell-Peterson