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Live reports / 31.07.2015

Leo Bud Welch + Faris

De nos jours, les concerts de blues du Mississippi se font rarissimes : merci donc aux organisateurs (Nicolas Miliani, qui tient le site www.normandeepblues.fr, aidé pour l’occasion par d’autres passionnés : l’agence Nueva Onda, le journaliste Stéphane Deschamps, Vincent Delsupexhe du festival suisse Blues Rules et l’équipe de la Maroquinerie) d’avoir su inviter en Europe, avant qu’il ne soit trop tard, le bluesman-prêcheur Leo “Bud” Welch, 83 ans au compteur et toujours vert. Signe qui ne trompe pas, de fidèles vieux amoureux du blues traditionnel s’étaient déplacés, rejoints en outre par une petite cohorte de jeunes hipsters bercés à des sonorités plus contemporaines. Belle petite performance pour une soirée de début juillet, période où l’affluence aux concerts est toujours aléatoire à Paris.

Maladroitement présenté par son attaché de presse comme un « futur grand musicien », l’Italo-Algérien Faris Bottazzi qui assurait la première partie n’a pas vraiment brillé dans le rôle du représentant du “blues du désert”. Le garçon semble bien effacé : était-il vraiment prêt pour cela ? Ce n’est sans doute pas un service à lui rendre que de le lancer dès à présent dans de telles arènes : outre ses évidentes limites vocales (il est encore  loin d’être un chanteur), son jeu de guitare (électrique ou Weissenborn) est encore très approximatif. Il semble réciter des plans appris par cœur sans aucun groove, et ses interprétations manquent désespérément de relief, balançant entre le soporifique et l’éprouvant. Le fond du trou est atteint avec une version de Jesus is on the main line dépourvue du moindre allant et vidée de son sens… Il lui faudra donc encore beaucoup de patience et de travail, à la guitare et surtout au chant, pour arriver à maturité – à moins que l’industrie musicale pressée de “faire le buzz” autour d’un nouveau produit ne veuille combler ses lacunes à coup d’artifices de studio. Espérons pour lui que Faris ait la sagesse de choisir la première de ces deux voies.

 


Faris

 

Un océan sépare Faris de Leo “Bud” Welch, son aîné d’un bon demi-siècle. Le vieillard au dos voûté et au costume impeccable s’assoit sur sa chaise, ses mains agrippent sa guitare et dès l’entame de son hymne gospel Praise his name (où la voix de son manager Vencie Vernado lui donne la réplique) son chant juste, fort et profond emporte le public dans un torrent de ferveur. Passé le premier morceau, Leo est seul sur scène et s’en tient majoritairement à des reprises d’airs connus du blues. Même si on aurait aimé qu’il ait à ses côtés un batteur de la trempe d’un Spam (T-Model Ford) ou d’un Cedric Burnside, la puissance rythmique dégagée par sa main droite lorsqu’elle martèle les cordes de sa guitare électrique transforme chaque vieille rengaine en train vapeur lancé à pleine vitesse. Et ce même lorsque l’instrument se désaccorde (Don’t let the devil ride) : c’en est presque… diabolique ! Au son de Girl in the holler et I don’t know her name, tirés de son récent album “I Don’t Prefer No Blues » (Big Legal Mess, à acheter et à écouter fort !), les jeunes gens du public se trémoussent comme devant les Black Keys ou les White Stripes. Qui a dit que le blues était une musique du passé ?

 


Leo “Bud“ Welch

 

 

Le concert se termine sur un bœuf au cours duquel on entend hélas pour la deuxième fois de la soirée Still a fool et Don’t let the devil ride. Faris remonte donc sur scène et son incapacité à se fondre dans le rythme d’un Leo Welch qui semble peu concerné (quelle cacophonie !) démontre s’il était besoin que le discours selon lequel le blues serait « né dans le Sahara » relève du fantasme d’intellectuel en mal d’exotisme. Lorsqu’un tout jeune guitariste français inconnu de nos services (Marceau Portron, le fils de la logeuse de Leo) le remplace, Welch montre ostensiblement la différence : il sourit, donne tout ce qu’il peut et se lève pour des pas de danse qui enflamment l’auditoire ! Marceau se cantonne à des clichés blues-rock en soi peu remarquables, mais qu’importe : il sait écouter son partenaire, trouve le groove, n’en fait pas trop et ça fonctionne ! Les deux musiciens prennent véritablement du plaisir et cet échange festif entre générations et continents conclut le concert de belle manière.

Éric D.

 


Leo “Bud“ Welch et Marceau Portron