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Brèves / 20.12.2017

Leo “Bud” Welch, 1932-2017

Les carrières de bien des bluesmen s’étendent couramment sur des décennies. Débutée très officiellement (sur disque) le 7 janvier 2014 avec la sortie de son premier album “Sabougla Voices”, celle de Leo “Bud” Welch n’aura pas même duré quatre ans. Welch s’est en effet éteint hier 19 décembre 2017. Mais il est vrai que l’artiste avait pris son temps, car lors de l’enregistrement de ce premier album précédemment cité, il était déjà dans sa quatre-vingt-deuxième année… Une carrière certes météorique, mais cette brève période suffira à ce bluesman singulier pour marquer les esprits.

Leo Welch voit le jour le 22 mars 1932 à Sabougla, une minuscule localité du comté de Calhoun située environ trente kilomètres à l’est de Grenada, qui marque la “frontière” orientale du Delta. Il se trouve vite au contact de la musique, et, selon une habitude alors répandue dans ces régions rurales, il apprend dans son enfance plusieurs instruments dont l’harmonica et le violon. Mais à partir de 1945 (ou peut-être un peu avant), c’est en empruntant la guitare d’un cousin plus âgé, R.C. Welch, qu’il se découvre un réel potentiel. Dès lors, également marqué vocalement par le gospel, il commence à jouer lors de soirées et dans des églises, puis plus tard dans de petits clubs du comté.

 


La Maroquinerie, Paris 20e, 8 juillet 2015 © J-M Rock'n'Blues

 

Issu d’une famille de métayers, il n’échappe pas aux travaux agricoles et ne songe certainement pas à devenir musicien professionnel. D’ailleurs, il trouve finalement un emploi stable de bûcheron dans une scierie, un métier qu’il exercera pendant trente ans. Pour en savoir un peu plus sur ces débuts, on lira dans le numéro 222 de Soul Bag l’interview qu’il avait accordée en juillet 2015 à Éric Doidy. Au milieu des années 1970, il obtient plus d’engagements et fait évoluer sa musique vers le style personnel qu’on lui connaît : un mélange tumultueux de gospel, de Delta blues électrique et de Hill Country blues, le tout servi avec une voix presque sépulcrale et une guitare souvent surexcitée !

Mais il lui faudra attendre l’année 2013 et sa rencontre avec le manager Vencie Varnado et le soutien de Big Legal Mess (il est amusant de noter que le nom de ce label pourrait presque définir la musique de Welch !) pour que sa situation évolue enfin de façon significative. Et de fait, la sortie en début d’année suivante de “Sabougla Voices” va propulser Welch en pleine lumière. Malgré son âge, l’octogénaire qui a eu tout le temps de forger sa musique singulière s’avère très crédible et il a de beaux restes. Son originalité et son jeu de scène complètent sa panoplie et il s’inscrit parmi les révélations de 2014. Profitant de ce succès, il sort un an plus tard “I Don’t Prefer No Blues”, sans doute un peu inférieur (l’effet de surprise joue moins et ses accompagnateurs sont parfois un peu trop “volubiles”), mais cela reste très consistant.

 


La Maroquinerie, Paris 20e, 8 juillet 2015 © J-M Rock'n'Blues

 

Un peu surgi de nulle part, Leo “Bud” Welch, à sa façon, est parvenu à quelque sorte à dépoussiérer le blues dont il a rallumé l’urgence, et personne ne s’y attendait. Celui qui n’avait pas pris l’avion avant 2014 va donc tourner intensivement, jusqu’en Europe et donc en France. En 2017, la sortie d’un CD et DVD live (“Live At The Iridium”) ne lui rend que partiellement hommage, ce qui nous donne beaucoup de regrets quand on sait combien Welch captivait sur scène. Alors, comme l’écrit Jean-Pierre Bruneau dans notre numéro 227, on attend maintenant impatiemment la sortie du film que les Autrichiens Wolfgang Almer et Stefan Wolner lui ont consacré, Late Blossom Blues – The Journey of Leo “Bud” Welch, déjà plébiscité dans plusieurs festivals internationaux.
Daniel Léon

 

 

lateblossomblues.com