Chicago Blues Festival 2023, L’Odéon, Tremblay-en-France
27.11.2023
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Il y a une petite dizaine d’années de cela, le label Provogue commençait tout juste à éditer pour le marché européen les premiers CD de Joe Bonamassa. Déjà bien établi sur les scènes nord-américaines, Bonamassa eut plus de mal à conquérir la France, où le créneau était déjà bien occupé (Popa Chubby régnait alors sans partage) et où les aficionados de rock-blues avaient souvent le sourire lorsqu’ils entendaient son nom (Bonaquoi ?). Dix ans après (une liste d’albums longue comme le bras dont le rythme de sortie ne semble toujours pas lasser ses fans), on ne peut que constater combien Bonamassa a terrassé la concurrence. Désormais habitué du fort classieux Grand Rex, il y fait à nouveau salle comble en 2015.
Les places sont chères, mais le bougre ne se moque pas de son public. Une introduction dans le noir avec Muddy Waters, et Bonamassa apparaît à 20 heures tapantes : il ne quittera la scène qu’à 22h30 bien tassées, chemise et costard bons à passer à l’essoreuse. Deux heures trente bien pensées durant lesquelles on ne s’ennuie pas, tant les climats varient tout en restant dans les canons d’un rock hard et bluesy hérité des 70’s. À une entrée en matière pêchue en trio succède un passage pendant lequel le renfort d’un clavier permet à Joe-la-gâchette-facile de relâcher la pression pour se concentrer sur le cœur du propos, avant l’arrivée des cuivres qui donnent une nouvelle ampleur au son de l’ensemble. Se construit ainsi progressivement au fil du show un tapis confortable sur lequel la guitare prend de plus en plus ses aises pour en arriver à dire l’essentiel sur Sloe gin. On salue le professionnalisme, même si on sent qu’il manque un je-ne-sais-quoi de folie ou d’imprévu : tout est un chouïa trop net et bien calé, et le public, un poil trop sage, ne se déchaîne qu’à la fin.
Soulignons enfin que Bonamassa était rudement bien entouré ce soir-là : Anton Fig à la batterie, Lee Thornburg à la trompette, Reese Wynans (ex-Stevie Ray Vaughan & Double Trouble) aux claviers… Et des invités surprises pour quelques joutes guitaristiques en toute décontraction : Robben Ford sur Double trouble (Muddy Waters encore), Larry Carlton sur Never make a move too soon (B.B. King pour un hommage pertinent, ciblé Crusaders avec Carlton qui fut leur guitariste) et le (trop) extravagant John Jorgenson pour le All aboard final (Muddy encore !). Un vrai festival donc, avec bien sûr son lot de débordements sonores, mais un plaisir de jouer plus qu’évident. Du blues ? Soyons justes, pas vraiment. Mais du rock bien senti qui sait d’où il vient, ça oui !
Erik D.
Photos © Arnaud Maineult