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Live reports / 06.12.2011

JILL SCOTT

 

Est-ce voulu pour un effet de contraste maximum ? On en doute. En tout cas ce DJ set en première partie est on ne peut plus glacial : 100 % hip-hop, pourquoi pas, mais 100 % blasé avec un son qui défie les lois de la distorsion, ça frise le ridicule. La suite, vite.

 

La suite, c'est chaud. Et pas seulement parce que le Bataclan – complet – n'a toujours pas installé de clim ni même un semblant d'aération efficace (35 ou 40°C dans la fosse ?)… Sur scène avec Jill Scott, onze musiciens dont trois choristes (notamment BJ the Chicago Kid), tous des hommes, tous de noir vêtus. Sobriété et unité, ces deux qualités leur siéront parfaitement toute la soirée. Là, pour commencer, ils répondent au quart de tour à la patronne qui ne se fait pas attendre pour lancer Shame, le premier titre à avoir émergé de son “Light Of The Sun” paru en juin dernier. Tout est bien en place, les choristes assurent sans sourciller le rôle du A Group (trois chanteuses gospélisantes présentes sur la version originale), Jill s'impose d'emblée avec ses « I'm the magnificient » et plutôt que de s'aventurer dans une récréation hasardeuse de l'intervention rappée de Eve, la chanson est écourtée. Vous avez dit efficacité maximale ? Demandez au dancefloor, surtout quand ça embraye sur Gimme.


Il n'en faut pas plus pour prendre la pleine mesure du niveau du groupe : une rythmique tout bonnement géniale (avec l'impressionnant Rachid Williams aux fûts, un bassiste et un percussionniste en symbiose totale, et l'aîné du groupe à la guitare, le très subtil Randy Bowland), une mini section de cuivres (trompette et sax ténor) et deux solides claviers (dont Eric Wortham, présent sur le dernier album de Jill) aux touchés et aux sonorités jazzy ou funky selon les besoins. Une cohésion et un sens de la tension-détente, au service du chant, en tout point exemplaires. Sans oublier un plaisir de jouer manifeste, en témoignent les nombreuses mises en place (certaines bopisantes) au sein de morceaux réellement travaillés voire réarrangés pour la scène.

 

Avec désormais quatre albums à son actif, Jill Scott ne peut évidemment pas tout chanter, mais au gré d'une set-list parfaitement agencée, elle ne néglige aucun titre phare et offre un show sans aucun temps mort dans lequel l'ancien et le nouveau se répondent à merveille. “The Light Of The Sun” est bien sûr à l'honneur avec So in love (chapeau au choriste qui a tenu le rôle d'Anthony Hamilton), Quick (version allongée et funkifiée), Womanifesto (puissance des mots garantie), Le boom vent suite (jouée très proche de la version studio, contrechants de guitare bluesy compris : normal, leur auteur en studio est là sur scène), Rolling hills (sommet de feeling vocal), So gone (moite à souhait et logiquement suivi de Crown royal on ice, deux illustrations du versant “explicit” des textes de Jill) et When I wake up et So blessed en rappel.


Tout ça, donc, mêlé avec soin aux classiques chantés d'une seule voix avec un public charmé. Entre autres et dans le désordre : Hate me, The real thing (ou comment jouer rock en groovant), It's love (avec, feeling go-go oblige, un break de percu mémorable), Golden, Cross my mind, The way, A long walk… Plus quelques autres en medley et, en milieu de rappel, un He loves me et son désormais fameux passage “cantatrice”, cette fois-ci avec une touche d'espagnol et toujours de l'humour : imaginez une chanteuse d'opéra qui, au détour d'une mesure, plonge dans le groove…

 

Une réserve ? Le son pas toujours à la hauteur pour transcrire clairement toutes les nuances de la voix de Jill Scott (surtout dans le registre grave ou parlé). Mais vraiment pas de quoi gâcher ce que j'estime être “le” concert de soul à aller voir à l'heure actuelle.
Nicolas Teurnier