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Live reports / 02.08.2016

Jazz à Vienne

Cette année Jazz à Vienne a largement tenu ses promesses avec une programmation de qualité. Le jazz et musiques cousines se côtoient depuis trente-six ans au sein des concerts de prestige du Théâtre Antique mais aussi dans toute la ville, et dès midi, avec la scène de Cybèle, des animations et le Club de Minuit.

Lisa Simone a assuré avec autorité la première partie de la soirée du lundi 4 juillet. Avec le concours de ses accompagnateurs habituels, les excellents Hervé Samb (g), Reggie Washington (b) et Sonny Troupé (dm), la chanteuse a interprété le répertoire de son dernier album intitulé “My World” (Ode to Joe et Worksong) et des compositions de Nina Simone, son illustre mère, dont elle sait se démarquer (If I should lose you). Soulignée par une voix claire et chaude, son chant tourne parfois à la variété de haut vol, ne relève pas spécifiquement du jazz mais exprime un désir sincère de communiquer avec les autres. Pour preuve, sa descente dans le public qui lui a valu une ovation des spectateurs.

Lui succédait Randy Weston qui a montré que l’âge n’avait pas de prise réelle sur sa musique riche d’influences africaines. Son spectacle a débuté avec African cookbook figurant dans le recueil “The Spirit of Our Ancestors” (1991) pour se poursuivre avec deux blues qui ont mis en valeur les saxophonistes Billy Harper et Talik Kibwe sur fond de dissonances héritées de Thelonious Monk. Cette partie consacrée au quintette s’est terminée par une belle version de High fly, la célèbre composition du pianiste. Puis vinrent trois invités de luxe : Ablaye Cissoko (kora), Mohamed Abozekry (oud) et Cheick Tidiane Seck (orgue, synthétiseurs), tout à fait à leur place dans ce contexte mais dont les solos ont paru un peu convenu surtout après la fulgurance du quintette. La magie ne se produit pas toujours.

 


Lisa Simone

 


Randy Weston

 

Le lendemain, Hugh Coltman a pris possession de la scène pour un hommage à Nat King Cole. Venu du blues, il s’est orienté vers le jazz sous l’influence du pianiste Eric Legnini. Sa voix possède un timbre agréable et sa ligne de chant est de qualité. Son quartette (Thomas Naim (g), Gael Rakotondrabe (p), Christophe Mink (b) et Raphaël Chassin (dm)) assure un soutien solide (Smile). Ces atouts lui permettent d’interpréter le répertoire de Nat King Cole avec expressivité et sans tomber dans la copie conforme. Sa version de Mona Lisa lui a valu les applaudissements du public.

Puis vînt Diana Krall, élégante en robe noire et tout en blondeur. Le sourire est livré avec parcimonie, l’attitude reste figée et minimaliste mais tout s’éclaire quand le spectacle commence car la classe est là. Diana Krall s’implique dans son chant et donne une fraîcheur nouvelle aux grands standards du jazz (Just you, just me, Cheek to cheek). Constituée d’Anthony Wilson (g), Karriem Riggins (dm) et Robert Hurst (b), la section rythmique n’est pas la juxtaposition d’individualités mais un ensemble soudé et réactif.

 


Hugh Coltman

 


Diana Krall

 

Changement d’ambiance lors de la soirée du 6 juillet consacrée au jazz manouche et animée par Angelo Debarre et Marius Apostol, suivis de l’Amazing Keystone Big Band et ses invités : Stochelo Rosenberg, James Carter et Marian Badoï. La prestation Angelo Debarre renoue avec la tradition du quintette du Hot Club de France. Le public a été emballé par les solos virtuoses d’Angelo (Danse norvégienne), la puissance de la pompe manouche propulsée par William Brunard (b), Tchavolo Hassan (g) et Ranggy Debarre (g) et les chorus d’inspiration tsigane du violoniste roumain Marius Apostol, très à l’aise dans ce contexte (What this thig called love).

Atmosphère différente avec l’hommage à Django Reinhardt de l’Amazing Keystone Big Band. Les arrangements du groupe renvoient plus à la tradition du Thad Jones-Mel Lewis Orchestra qu’à celle de la Django’s Music, l’ensemble à format variable qui accompagnait Django pendant les années de guerre (Djangology, Anouman). Le groupe sonne bien, les échanges entre les sections sont efficaces (Flêche d’or) et David Enhco a tissé un bien beau solo sur Nuages. Les invités évitèrent de produire un numéro de haute voltige pour servir la musique : Stochelo fut excellent dans Nuages, Marion BadoÏ sut faire respirer son accordéon et James Carter déroula la mélodie de Rhytme futur en visitant l’histoire du saxophone.

Alain Tomas

 


Stochelo Rosenberg (g), Marian Badoï (acc), Odenson Laurent (tb), James Carter (ts), Angello Debarre (g) avec The Amazing Keystone Big Band

 


The Amazing Keystone Big Band

 

À la suite de l'attentat de Nice, notre collègue Daniel Léon a renoncé à se rendre à la soirée blues qui s'est tenue le 15 juillet avec Buddy Guy, Shakura S'Aida et Selwyn Birchwood.