Robert Finley + Lowland Brothers, La Maroquinerie, Paris
01.12.2023
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Dans le cadre du Beffroi à Montrouge, le festival international de guitares proposait pour sa première une soirée une thématique “blues & world” prometteuse. Le public ne s’y est pas trompé en se pressant dans les travées de la salle Moebius. Un Moebius – de son vrai nom Jean Giraud, cet artiste de bande dessinée notamment géniteur de Blueberry a longtemps vécu à Montrouge où il est mort en 2012 – dont les œuvres, ou plutôt les fresques oniriques et fantasmagoriques, semblent repousser les murs d’une structure pourtant colossale.
En charge d'illustrer le versant “world” de la soirée, Pura Fé instaura une ambiance lancinante dès son titre d’ouverture, Sacred seed, avant d'évoquer d'autres univers, notamment celui de son peuple Tuscarora avec des textes liés à la cause amérindienne (Red black on blues à la lap steel, Borders). Ses accompagnateurs – un violoncelliste, un guitariste électrique et un batteur-choriste – lui permirent de montrer la richesse de sa palette malgré la brièveté de sa prestation (guère plus d'une demi-heure). Assez cependant pour convaincre d'un talent d'auteure et d'interprète qui ne cède pas à la facilité.
Pura Fé
Eric Bibb et Jean-Jacques Milteau ont uni leurs efforts pour célébrer l'héritage de Lead Belly sur scène comme sur disque (voir SB 220, p. 67). C'est cet hommage à cette grande figure de l'art afro-américain qui nous était proposé ce soir. Certes, il ne s'agit que de reprises, mais, par sa diversité et sa richesse, le répertoire de Lead Belly se prête bien à des relectures et des interprétations. En plus, au-delà de la musique, cet artiste donne l’occasion d’ouvrir un véritable livre d’histoire, ce dont les deux protagonistes profitent au mieux à coups d’anecdotes, souvent avec cet humour décalé de Milteau que connaissent bien les auditeurs de Bon temps rouler sur TSF, ou de façon plus posée mais néanmoins instructive côté Bibb.
JJ Milteau et Eric Bibb
Difficile de détacher des titres, entre l’ouverture enlevée (Pick a bale of cotton), Grey goose superbe de ferveur ou les arrangements originaux sur des archiclassiques House of the rising sun à la 12-cordes, Midnight special, Goodnight Irene, et Bourgeois blues. Belle surprise aussi que ce Silver spoon, un titre autobiographique de Bibb, un genre auquel il ne cède pas si souvent, peut-être par pudeur, ou bien est-ce un besoin suite à la mort récente de son père… Partout, JJ Milteau s'est montré surprenant, ne jouant pas deux solos identiques, se fondant toujours dans l’ensemble, parfois intimiste (le duo avec Bibb sur Going down slow), parfois enjoué (I heard the angels singing sur lequel il sonne comme un cuivre, entre trompette et saxo). Côté rythmique, une mention spéciale à Larry Crockett, toujours capable de relancer la machine avec élégance (Stewball) et une économie de moyens étonnante. C'est devant une salle conquise et gratifiée d'un Rock island line en rappel que s'est achevée cette belle soirée.
Larry Crockett
JJ Milteau, Gilles Michel, Eric Bibb, Larry Crockett
Guitares au Beffroi s'est poursuivi durant tout le week-end avec des concerts dédiés au classique, au flamenco et à la chanson, et un salon de la belle guitare avec des luthiers et des fabricants d'accessoires venus du monde entier.
Daniel Léon et Jacques Périn
Photos © Pascal Thiébaut
photo-dubelair.fr