;
Live reports / 25.03.2011

FESTIVAL A VAULX JAZZ – NUIT DU BLUES

Le Centre Culturel Communal Charlie Chaplin de Vaulx en Velin (69) accueillait sa traditionnelle Nuit du Blues dans le cadre du désormais réputé festival A Vaulx Jazz. Les moyens techniques sont à la hauteur de l’évènement et la programmation ne souffre aucune critique depuis bien des années.
 

 
Shakura S'Aida © Jean-Philippe Porcherot
 

Shakura S’Aida et son band se produisaient en première partie de soirée et pour le public venu en nombre à cette soirée blues de la 24e édition d’A Vaulx Jazz, ce fut une claque magistrale. Shakura S’Aida, un talent qui s’affirme au fil des concerts, un tempérament de feu qui embrase la salle dès l’interprétation du premier titre suite à une introduction très louisianaise de Lance Anderson à l’accordéon chromatique (touches piano) avant d’officier aux claviers. Les premières notes respirent le blues à pleins poumons et la voix puissante de la chanteuse nous entraîne dans un répertoire puisé essentiellement dans sa dernière production discographique “Brown Sugar” (Ruf, 2010) dont elle a signé la plupart des titres.


Lance Anderson © Jean-Philippe Porcherot
 


Kenny Neal, Jr. © Jean-Philippe Porcherot
 


Andrew Stewart © Jean-Philippe Porcherot
 

A ses qualités artistiques indéniables, Shakura S’Aida ajoute grâce et élégance, sachant parfaitement séduire son public par quelques mots en français ou par ses sourires enjôleurs. L’échange est permanent avec les spectateurs, lesquels ne résistent pas longtemps à son charme naturel et à ses invitations au chant et à la danse. Le show est rondement mené et dans une débauche d’énergie insoupçonnée, elle traverse la scène de long en large tantôt pour exhorter le public, tantôt pour encourager tel ou tel de ses musiciens. Et côté musiciens, on peut dire que la machine est bien huilée, lancée par une rythmique efficace composée de la paire Kenny Neal, Jr. (batterie) / Andrew Stewart (basse). Les bases sont solides et ce n’est que du plaisir pour Donna Grantis, la guitariste canadienne complice de Shakura depuis de nombreuses années, qui n’a qu’à placer çà et là quelques soli bien inspirés dans une veine blues rock faisant mouche à chaque intervention… d’autant que son look “rocker” ravageur enchante ses fans. Lance Anderson n’est pas en reste aux claviers. En vieux briscard, il mène le bal par son jeu alerte et varié, la diva de Toronto n’ayant plus qu’à poser sa voix profondément blues. L’alternance remarquable des différents tempi, évitant toute monotonie, renforce la dynamique de l’ensemble. Une performance très professionnelle fort appréciée de tous qui s’achève comme il se doit sur un rappel. C’est Brown sugar, titre éponyme du récent CD de Shakura S’Aida, introduit par l’accordéon bluesy de Lance Anderson, qui terminera ce set sous une salve d’applaudissements. Merci pour tant de générosité Mesdames et Messieurs les artistes… standing ovation finale !
 

 
Donna Grantis © Jean-Philippe Porcherot
 


Shakura S'Aida © Jean-Philippe Porcherot
 

La prestation très attendue du chanteur-guitariste texan Roy Gaines en seconde partie de soirée fut certes remarquable sur le plan technique, mais néanmoins quelque peu ennuyeuse dans son déroulement. L’Orchestra accompagnateur, un brin classieux (costume sombre et chemise blanche de rigueur, cravate rouge), apparaît composé de musiciens dans l’ensemble relativement jeunes. Chacun les yeux rivés sur son pupitre, batteur y compris, cette formation manque cruellement de souplesse et de spontanéité. Les arrangements très jazzy du dernier CD de Roy Gaines, “Tuxedo Blues” (Black Gold, 2010), récompensé par le Prix Blues 2010 de l’Académie du Jazz, semblent respectés à la note près. Les interventions individuelles de chaque musicien, très convenues, se révèlent assez fades d’autant que le volume sonore de l’Orchestra se situe très en retrait de celui du leader, en particulier pour la section de cuivres (trompette, sax ténor, sax baryton). Qu’il soit pianiste, contrebassiste ou exerçant sur tout autre instrument, aucun des musiciens ne sort du lot. Peu de risque de faire de l’ombre au patron dont les sonorités limpides délivrées par un jeu de guitare de haut niveau attestaient néanmoins du talent de l’artiste.


Roy Gaines © Jean-Philippe Porcherot
 

Le feeling de l’ex-accompagnateur de T-Bone Walker n’a pas pris une ride mais tranche curieusement sur le fond musical formaté de son groupe. Chanteur honnête mais sans grande palette vocale, Roy Gaines débuta son set par deux instrumentaux faisant avant tout prévaloir sa technique instrumentale. La communication n’étant pas le point fort du maître, ce dernier ne s’adressa réellement qu’une seule fois à son public pour présenter ses musiciens et faire la promotion de son CD dont la moitié des titres sont des compositions personnelles. Si on ajoute à cela les temps morts entre les morceaux liés à la recherche de la bonne partition sur les pupitres par certains musiciens, on ne s’étonne pas que le spectacle manque de rythme. L’ensemble ne parvient pas à décoller et ce n’est pas l’introduction au sein du répertoire de standards maintes fois entendus comme Route 66 ou Everyday I have the blues qui aura réussi à briser la linéarité de ce concert. Les purs amateurs de blues n’y trouvant pas réellement leur compte, certains commencent à regagner discrètement la sortie. La soirée se termine tout de même par un rappel poli confirmant cependant l’estime porté à ce grand guitariste qu’est Roy Gaines.
Jean-Philippe Porcherot


© Jean-Philippe Porcherot
 


© Jean-Philippe Porcherot