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Live reports / 27.09.2016

Fantastic Negrito

Le nom de Fantastic Negrito n'est pas totalement inconnu de nos lecteurs assidus (voir interview dans notre numéro 223) et, après son passage succinct en duo au Trianon en avril dernier, nous avions appelé de nos vœux cette date parisienne en formation complète.

Dans ce Petit Bain bien rempli pour un soir de début de semaine, motivés nous étions et musicalement comblés nous fument. Si je paraphrase le petit personnage vert rabougri de Star Wars, c'est bien évidement pour vous réaffirmer que Xavier Dphrepaulezz (Fantastic Negrito à la scène) a bien la force avec lui. Le line-up complet, c'est Tomas Salcedo à la guitare, Nathan Pedly à la basse, Quantae Johnson aux baguettes et Joshua Nash, ce clavier expressif qui assurera pendant toute la prestation le gros du boulot pour ce qui touche aux chœurs. En bon frontman, l’électrique Xavier Dphrepaulezz surgit en dernier et attaque par une version de Lost in a crowd qui nous met tout de suite dans le bain, le grand cette fois. Une batterie épaisse et binaire, des aplats d'orgues exaltés, et cette chouette façon de faire résonner ces échos de chœurs gospel qui doublonnent la voix ô combien expressive de ce chanteur à la silhouette et au costume de dandy. Pas de doute, on est bien en présence d'un véritable performer, sautillant un peu partout, jouant avec le public et sa camera GoPro fixée sur le pied de micro (une camera qu'il finira par faire tomber volontairement, signe d'un ras-le-bol de ce monde virtuel ?).

 


Fantastic Negrito et Joshua Nash

 


Tomas Salcedo

 

Le groupe puise ensuite dans le fraîchement paru “The Last Days of Oakland” et sur scène aussi on retrouve quelques titres évoquant les sons et les gimmicks d'un funk-rock-fusion typique des nineties (on pense a Fishbone, Weapon of Choice voire aux Red Hot Chili Peppers sur Hump thru the winter et Working poor), les guitares criardes en moins peut-être. Mais passé cette parenthèse de références à un sous-genre tombé en désuétude, le Fantasque Xavier et sa troupe sont tout à fait capable de vous emmener dans les recoins d'une musique et d'un message séculaire en lien direct avec le blues, source d'inspiration assumé du projet Fantastic Negrito. Voix explosives, solos de guitares ou de piano dépouillés d'artifices, compositions simples de prime abord, chroniques sociales, rythmiques percutantes, entêtantes, et beaucoup de liberté comparé aux enregistrements studio.

 

 

 


Quantae Johnson

 


Joshua Nash

 

De pair avec cette spontanéité musicale, tout au long du concert, Dphrepaulezz abordera les problématiques de son pays (violence, racisme, corruption politique, chômage…), d'un monde régi par le grand capital et la progression des inégalités à l’échelle mondiale. Un constat qui aurait pu sortir des haut-parleurs d'une Nuit Débout (il n'est pas pote avec Bernie Sanders pour rien), mais pourtant envoyé avec bagout, humour et optimisme. Cet forme d'espoir que l'on trouve chez ceux qui un jour ont mordu la poussière et qui depuis prennent chaque nouvelle journée comme un nouveau départ.

 

 

 

C'était donc bien ce blues-ci qui transpirait aux abords de la BNF ce soir-là. Et tel un ultime clin d’œil aux pères fondateurs, en résonance totale avec l'événement aussi tragique que récurent de Charlotte en Caroline du Nord (datant du jour précédent), il a offert au public parisien cette émouvante interprétation d'un classique popularisé par Leadbelly : In the pines/Where did you sleep last night/Black girl. Un hommage à peine voilé aux mères ayant perdu un fils sous le feu d'une arme. Quand on sait que ce même Fantastic Negrito à peine âgé de 14 ans voyait pour la dernière fois son propre frère baignant dans une mare de sang au milieu de la cuisine familiale, vous n'avez soudain plus vraiment envie de sourire devant son hirsute tignasse… Y a des mardis comme ça.

Jules do Mar
Photos © Stella K