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Live reports / 09.05.2023

Eric Bibb, Philharmonie, Paris

23 avril 2023. 

Habitué des scènes françaises de longue date, Eric Bibb a su se renouveler au fil des années en tournant dans des configurations variées et avec des partenaires relevant de différentes esthétiques.

Pour ce concert exceptionnel, programmé de façon un peu incongrue dans le cadre d’un cycle hommage à Jean-Michel Basquiat, dans la merveilleuse grande salle de la Philharmonie (qui n’accueille que trop rarement les musiques chères à Soul Bag), c’est en mode collectif, entouré de différents musiciens avec lesquels il a collaboré au fil des années, qu’il se présente : le guitariste et chanteur Habib Koité et le percussionniste Mama Koné, venus du Mali, les multi-instrumentistes Cedric Watson et Dirk Powell, venus de Louisiane, le koriste Lamine Cissokho, venu de Casamance, le bassiste (et producteur de nombreux albums de Bibb) Glen Scott et la chanteuse Shaneeka Simon, venus de Londres. 

Toute la troupe rejoint la scène simultanément, mais c’est Bibb tout seul qui ouvre le concert avec une lecture de Going down slow qui rappelle que, quelles que soient les routes musicales qu’il ait explorées ces dernières années, le blues dans son expression la plus classique est resté son principal point d’ancrage. Le titre officiel du spectacle, “Du Mali au Mississippi”, s’avère finalement erroné : outre qu’il n’y a aucun artiste originaire du Mississippi proprement dit, ça n’est pas d’un parcours ou d’un continuum qu’il s’agit ici, mais de rencontre. La suite du programme repose en effet sur le croisement et le rapprochement entre les musiciens, indépendamment de leur esthétique propre. Il ne s’agit cependant pas d’une fusion worldisante, mais de trouver le point de contact naturel entre les différents univers. C’est ainsi que, de façon évidente, le violon de Cédric Watson vient croiser la kora de Lamine Cissokho, que les percussions de Mama koné trouvent leur groove dans la country à l’ancienne de Cedric Watson et Dirk Powell ou que Habib Koité esquisse quelques pas de danse sur des rythmes cajuns… 

Lamine Cissokho, Habib Koité, Mama Koné, Shaneeka Simon, Glen Scott, Eric Bibb, Cedric Watson et Dirk Powell

Les configurations musicales, du duo à l’ensemble, varient selon les titres, et le répertoire mixe les originaux empruntés au répertoire de Bibb mais aussi de Koité ou de Watson et les reprises de classiques du blues et du folk, tous enrichis d’une approche qui dépasse les frontières et les clichés. Si les passages en petit comité, comme le Bring me a little water, Sylvie de Lead Belly interprété par Bibb en duo avec Shaneeka Simon, sont remarquables, ce sont les titres joués en commun par l’ensemble des musiciens qui sont les plus fascinants tant ils dépassent nos habitudes d’écoute. Le classique Needed time d’Eric Bibb s’offre ainsi un couplet en bambara, chanté par Koité, tandis que la kora s’invite avec le plus grand naturel chez le révérend Gary Davis (I belong to the band). 

La complicité et le respect entre les musiciens sont une évidence et Bibb, qui ne joue pas sur tous les morceaux, assure parfaitement le rôle de lien et de pivot de l’ensemble. Le L.A. d’Habib Koité, qui évoque sa rencontre avec Eric Bibb, sert de témoignage sur la profondeur du lien qui les unit. Mole in the ground, occasion de faire chanter un public chaleureux et attentif tout au long du concert, et In my father’s house, servent de grand final, avant que Bibb revienne seul, en rappel, pour le très beau Connected, dont le refrain « Still I’m connected to you, and everyone and everything » pourrait servir de résumé au projet de la soirée. 

À la sortie de la salle, les spectateurs semblent tous ressentir la même euphorie, et tant les sourires que les échanges d’après concert viennent confirmer cette impression d’avoir partagé un moment d’exception. Impossible de chasser cette idée : le monde serait bien plus agréable s’il ressemblait plus à un concert d’Eric Bibb !

Texte : Frédéric Adrian
Photos © Maxime Guthfreund / Philharmonie de Paris

Eric BibbFrédéric AdrianLa Philharmonie de ParisMaxime Guthfreund