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Live reports / 01.07.2011

ENGHIEN JAZZ FESTIVAL

Pour sa onzième édition, le festival aurait pu sans difficulté se rebaptiser Enghien Soul Festival, puisque l’affiche – en plus d’artistes issus du jazz, quand même, et des “musiques du monde” – accueillait rien moins que Dionne Warwick et Percy Sledge – deux exclusivités –, ainsi que, pour un concert gratuit (dont Soul Bag s’est dispensé) la version actuelle du groupe des Blues Brothers.

 

C’est évidemment la venue de la rarissime Dionne Warwick qui constituait l’évènement majeur du festival, et la salle du Théâtre du Casino était remplie pour l’accueillir. Seulement accompagnée d’un guitariste, la jeune chanteuse FM Laeti ouvre la soirée de quelques titres acoustiques issus de son album (chroniqué dans le numéro 204 de Soul Bag) : ni son trac visible ni les difficultés techniques ne l’empêcheront de conquérir le public.

Pas de surprise à attendre de Dionne Warwick : à part quelques titres issus de son dernier album, elle interprète depuis des années les mêmes chansons dans le même ordre avec une absence d’intérêt marqué. Si on retrouve par moments, malgré une voix un peu fatiguée, ses qualités de grande interprète (une très belle version de I’ll never fall in love again, par exemple), une bonne partie du spectacle fait l’objet d’une prestation qui relève plus du pilotage automatique, voire du somnambulisme, que du concert. Elle ne dévie d’un scénario visiblement bien rôdé qu’à deux occasions : l’une pour faire part de son agacement – très visible – face à la faible réponse du public à ses demandes de participation, l’autre, plus touchante, lorsque l’émotion l’oblige à interrompre son interprétation du standard Pocketful of dreams pour mentionner combien cette chanson la touche. Soixante-quinze minutes exactement après son entrée, elle quitte la scène sans céder aux demandes de rappel…

 

Deux jours plus tard, c’est à Percy Sledge de fouler la scène du Théâtre du Casino. La chanteuse de La Nouvelle-Orléans Nicole Slack Jones le précède pour une première partie très dynamique : remarquée aux côtés de Craig Adams puis en solo au sein des tournées “La nuit du gospel”, elle tente de se lancer dans la soul et propose un show extraverti à base de reprises prévisibles (I will survive, A song for you…) et de quelques originaux sans grand caractère. Plus efficace que nuancée, elle obtient un grand succès et bénéficiera même d’un rappel.

 

Après quelques titres d’ouverture fort médiocre par son orchestre, c’est au son des premières notes de When a man loves a woman que Percy Sledge entre en scène, mais c’est avec My special prayer qu’il ouvre le concert. Si sa voix est bien fatiguée, cela reste un plaisir de l’entendre interpréter ses classiques, de Warm and tender love à Out of left field, en passant par Take time to know her, ainsi que quelques reprises, dont l’inattendue I’m going home tomorrow, empruntée à Fats Domino. Malgré un orchestre britannique plutôt calamiteux (le batteur réussira à “planter” deux titres successifs, obligeant Sledge à reprendre les deux morceaux !), la joie de Percy Sledge à chanter sur scène est évidente : sans être une “bête de scène” – malgré quelques pas de danse très amusants –, il sait faire participer son public. Sans surprise, When a man loves a woman, en final, est accueilli par les cris de joie du public, et il revient bien vite pour un rappel, un très belle version de Dreams to remember d’Otis Redding. Nicole Slack Jones, qui a suivi tout le concert des coulisses, le rejoint à la fin du morceau : je ne suis pas certain qu’elle ait été formellement invitée, mais Sledge joue élégamment le jeu et les deux se livrent à un très amusant duo improvisé qui clôt en beauté une soirée très réussie.

S’il poursuit dans sa politique de programmation originale, le festival d’Enghien pourrait bien devenir une destination majeure pour les amateurs de soul…

Frédéric Adrian