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Live reports / 09.05.2017

En Vogue

Habituées des festivals américains, les vedettes de la scène soul et R&B des années 2000 se font rares sur nos scènes. Raison de plus pour se féliciter de la visite parisienne, dans le cadre d’une tournée européenne, d’En Vogue, qui se produit dans une Cigale (en configuration totalement assise, étrangement) pleine à craquer malgré des billets fort onéreux.

En ouverture, la jeune chanteuse Audrey G propose une pop-soul plutôt banale – façon Adele, disons –, mais emporte la mise devant un public encore clairsemé grâce à son abattage scénique et à son envie de convaincre.

La salle a eu le temps de se remplir quand déboulent les trois membres actuels d’En Vogue. Comme tant d’autres, le groupe a vécu le feuilleton classique à base de départs, reformations et procès, et le trio comporte aujourd’hui deux membres originels, Terry Ellis et Cindy Herron, et une “pièce rapportée”, Rhona Bennett, présente depuis 2003 par intermittence en fonction des humeurs de Dawn Robinson et Maxine Jones. Mauvaise surprise, c’est une production très à l’économie – et sûrement pas à la hauteur du prix payé par le public ! – qui est proposée : pas de décors (pas même un fonds de scène !) et pas d’orchestre, remplacé par une bande-son. C’est donc uniquement sur le trio de chanteuses que repose tout le spectacle. Bonne surprise : elles se révèlent tout à fait à la hauteur de l’enjeu ! Élégamment vêtues de noir, Ellis, Herron et Bennett, qui se partagent équitablement le chant principal, assurent le show à coup de chorégraphies impeccables et d’harmonies vocales sans faille (au point qu’on puisse s’interroger sur un petit coup de main des bandes d’accompagnement…).

 


Cindy Herron

 


Terry Ellis

 


Rhona Bennett

 

Le groupe étant à peu près dépourvu d’actualité discographique (un titre banal, Déjà vu, sorti en digital en 2016, représente un album annoncé pour cet été), ce sont les tubes – rien moins que six numéros un R&B entre 1990 et 1996, quand même – qui constituent la base du programme de la soirée, pour le plus grand bonheur d’un public qui réagit dès les premières notes de chaque classique, de My lovin' (You're never gonna get it) à Don't let go (Love), probablement le titre accueilli avec le plus d’enthousiasme, en passant par Lies et Whatta man – sans le rap original de Salt-N-Pepa, les chanteuses précisant qu’il vaut mieux qu’elles n’essaient pas de rapper ! 

 


Rhona Bennett, Terry Ellis, Cindy Herron

 

 

 

Inscrit dans la filiation des grandes voix afro-américaines, le trio salue ses influences le temps d’un medley ludique et sans prétention dédié à celles qu’elles appellent les Funky Divas, reprenant quelques extraits de titres marquants de Donna Summer (Bad girls), Gladys Knight (I heard it through the grapevine, dans l’arrangement de la version de Knight), Chaka Khan (Tell me something good), Tina Turner (Proud Mary) ou Patti LaBelle (Lady Marmalade), avant d’interpréter Something he can feel, une composition de Curtis Mayfield créée pour Aretha Franklin que En Vogue avait conduit au sommet du classement R&B en 1992. Ouvert, comme sur la version originale, par quelques phrases a cappella du Who’s loving you des Miracles, Hold on, le premier single du groupe, vient clore en beauté le concert – sans rappel, mais avec un long passage à serrer les mains du public.

 

 

 

Si on peut regretter la médiocrité de la production, et en particulier l’absence d’un orchestre qui aurait permis un peu plus de spontanéité de la part des chanteuses, En Vogue finit par convaincre grâce à l’engagement et aux indéniables qualités vocales des membres du trio – Terry Ellis rappellera en fin de concert qu’elle fait ça depuis vingt-sept ans ! Espérons que la réussite de cette prestation donne envie aux promoteurs d’inviter sur les scènes françaises d’autres artistes relevant de la même esthétique.

Frédéric Adrian
Photos © Fouadoulicious