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Live reports / 13.07.2016

Dee Dee Bridgewater, Hugh Coltman

Avec Saveurs Jazz Festival, Segré, paisible cité du Haut Anjou, figure maintenant sur la carte du jazz en France. En six ans, sous la houlette de Nicolas Folmer et de l'association Jazz au pays, le festival a su se développer et enrichir son offre sans brûler les étapes. Cette année John McLaughlin, Richard Bona, Pierrick Pedron, Avishai Cohen étaient notamment à l'affiche. La soirée dévolue au “vocal” tombait en même temps que la demi-finale de l'Euro France-Allemagne. Que croyez-vous qu'il advint ? Carton plein au Parc des expositions de Segré !

Salle comble donc pour accueillir Hugh Coltman, échappé de The Hoax pour rendre hommage à Nat King Cole, mettant ainsi en scène l'album “Shadows” paru l'an dernier. Eric Legnini est remplacé au piano par Gael Rakotondrabe, assisté de Thomas Naim à la guitare, Christophe Mink à la contrebasse et Raphael Chassain à la batterie. Un quartette tonique et inventif, bien présent sans être envahissant. Hugh Coltman endosse avec classe et simplicité ce costume de crooner, évitant l'écueil de la mièvrerie, à l'instar d'un Harry Connick Jr. Les grands standards de Nat Cole sont là : bien sûr Nature boy ou Mona Lisa, mais aussi le très touchant Smile écrit par Charlie Chaplin ou Sweet Lorraine, absent de l'album. You rascal you ne figurait pas (que je sache) au répertoire de Cole, ce qui n'empêche pas Coltman d'en donner une version qu'il aurait pu interpréter. Ce n'est qu'à la fin d'un set présenté avec aisance dans un français châtié qu'il parle de son premier choc musical, à l'écoute de Muddy Waters, et entame un Walkin' plus musclé et groovy, dérivant sur le Smokestack lightnin' de Howlin' Wolf.

 


Hugh Coltman

 

 

 

Les programmes annonçaient Dee Dee Bridgewater avec Theo Crocker & DVRK Funk, occasion d'entendre la diva avec ce jeune trompettiste qu'elle soutient. Mais quelques jours avant le concert, un communiqué indiquait que, suite à “un problème de planning”, Theo Crocker ne serait pas à Segré. On l'annonçait le même soir au New Morning ! Pas vraiment cool, mais dans l'urgence Dee Dee avait décidé de reprendre son projet de 1995, “Love & Peace”, en hommage à Horace Silver. Miraculeusement, la plupart des protagonistes de l'album ont pu répondre présents : Lionel Belmondo au ténor, Thierry Eliez aux claviers et André Ceccarelli aux drums. Seuls Hein van de Geyn était remplacé par Thomas Bramerie à la contrebasse et Stéphane Belmondo par Nicolas Folmer à la trompette. Pour le répertoire, elle annonça avec sa verve habituelle qu'elle suivrait scrupuleusement la trame de l'album. Plus de vingt ans après, elle replonge avec une délectation perceptible dans l'univers d'Horace Silver, à travers ses vocalises, ses mélismes. Elle scatte joliment, improvise des onomatopées, fond sa voix dans les cuivres ou chante une partie de trombone. Elle titille les musiciens, les stimule, les pousse à donner le meilleur d'eux-mêmes, et quand on connaît leurs compétences, ce n'est pas rien ! The Tokyo blues, Soulville, Filthy McNasty et Doddlin' sont des moments forts. Alors, tant pis pour la nouveauté d'une prestation avec Theo Crocker, la formule éprouvée de “Love & Peace” n'a rien perdu de son pouvoir de séduction.

 


Dee Dee Bridgewater, Nicolas Folmer

 


André Ceccarelli, Lionel Belmondo, Nicolas Folmer

 

Jacques Périn
Photos © Jean Thévenoux