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Live reports / 20.10.2015

De l’imprévu à l’Est

Ce voyage automnal aux Etats-Unis était avant tout à vocation touristique, destination la Virginie et la Caroline du Nord, à travers les Appalaches, au départ de Washington. Peu de musique au programme a priori. Mais c'était compter sans la sollicitude de notre ami Larry Benicewicz et d'heureux hasards…

C'est donc Larry qui nous a fait découvrir le Zoo Bar (1), Q.G. du blues à Washington. Musique live du jeudi au samedi, avec une "Open mic blues jam" le jeudi, jour où nous y allons. C'est le Big Boy Little Band qui fait office de house band. Son leader, Bret Littlehales est un chanteur à la voix joliment embrumée et un harmoniciste au jeu efficace. Il est secondé par Steve "Baby Jake" Jacobs qui fut guitariste de Carey Bell (cf. "Good Luck Man", Alligator) et bassiste du Powerhouse de Tom Principato. C'est un formidable guitariste, aux influences multiples bien digérées et au feeling évident. Le premier set passé, Bret va piocher dans la liste sur laquelle se sont inscrits les musiciens présents et les appeler tour à tour sur scène. Des amateurs de bon niveau mais dont aucun ne surclassera les titulaires.

Le lendemain, c'est à Baltimore (60 km au nord de la capitale fédérale) que ça se passe, au Patterson Theater où l'association Creative Alliance organise une Zydeco Dance Party avec Jeffery Broussard and The Creole Cowboys. Celui qu'on avait vu en France en 2007 (2) est un tenant du zydeco traditionnel. Son show est varié, il passe de l'accordéon diatonique au chromatique à boutons, chante en anglais ou en créole, s'essaie aussi au violon, mais c'est Calvin Carrière qui excelle au fiddle alors qu'il manque parfois de fluidité à la guitare. Comme au Caveau de la Huchette, à Paris, on vient là d'abord pour danser et le devant de la scène se transforme très vite en un vaste dancefloor où les couples s'adonnent aux joies de la valse et du two-step.

Jeffery Broussard & The Creole Cowboys
 

Fin de l'épisode musical pour la traversée des Appalaches par la Skyline Drive et la Blue Ridge Parkway et retour sur Washington avec une escale à Richmond, ancienne capitale des Confédérés. Le walking tour proposé par l'Office du tourisme est d'autant plus intéressant qu'il passe par Jackson Ward, le quartier noir, maintenant classé. Et un dimanche à 11 heures, dans le quartier noir, quand vous voyez deux dames bien habillées, bien chapeautées, se diriger vers une belle église baptiste (3), vous avez forcément envie de les suivre.

On les aborde, se présente et demande si elles pensent que…  Grands sourires, mais oui bien sûr, pas de problème et nous voilà accueillis pour un office de deux heures avec ses moments de partage et ceux de recueillement, le temps fort du prêche savamment conduit par un pasteur inspiré, sans oublier les nombreux intermèdes musicaux. Du chœur d'une quinzaine de membres émergent des solistes, dont une véritable soul sister. Une des assistantes du pasteur fait aussi preuve d'une ferveur contagieuse. L'orchestre est emmené par un excellent pianiste dont la voix porte loin, un organiste, un bassiste et un batteur. Ce dernier souvent "assisté" par son jeune fils (peut-être 6 ou 7 ans) pour une batterie à quatre mains. Et ça swingue !

Photo prise pendant que le choeur prend place, avant que l'église ne se remplisse
(Ne voulant pas jouer les voyeurs, nous avons ensuite rangé l'appareil photo.)
 

La suite du walking tour nous conduit sur les bords de la James River où une foule compacte converge également. C'est le site du Richmond Folk Festival (4) dont m'avait parlé le batteur à l'église. Désolé, lui avais-je dit, mais nous devons reprendre la route pour Washington. On nous distribue au passage le programme de la journée : Rev. John Wilkins, Campbell Brothers, Deacon John y figurent. En plus, c'est gratuit, il fait beau, l'ambiance est sympa, la bière est bonne (la Wild Wolf particulièrement), la nourriture aussi (ah! ce crab pie). Comment résister ? Et révérend John Wilkins commence tout juste, accompagné d'un sobre trio. Présenté comme le "biker preacher", il mélange allègrement ses propres compos marquées par la soul avec les thèmes de son père Robert (Prodigal son, Jesus will fix it).

Rev. John Wilkins, The "Biker Preacher"
 

Sur une autre scène, les Campbell Brothers devraient prendre le relais, mais un problème familial les a obligés à annuler. En lieu et place, d'autres frères, les Harris Brothers, adeptes d'un bluegrass virtuose et qui personnalise des blues comme Hideaway ou Sail on.

The Harris Brothers, avec la traductrice en langue des signes
 

Et il faut vite revenir sur la scène précédente pour le show de Deacon John épicé au gumbo louisianais. Quatre cuivres, piano, drums et le frangin, Charles Moore, à la basse : ça carbure façon "little big band" avec Jumpin' in the morning. Costumé, chapeauté et cravaté, Deacon John la joue swing classieux sur les classiques Let the good times roll, Tipitina ou Going back to New Orleans.

Deacon John, swing et cravate
 

Au bout de trois-quarts d'heure, il troque la cravate pour un nœud pap' et s'empare d'une guitare qui commençait à se morfondre pour un Dust my broom, parfaitement elmorejamesien, et un You upset me baby qu'aurait aimé B.B. Mais on lui fait déjà signe qu'il faut conclure. Il y va d'un Too many rivers to cross aussi inattendu que prenant. Et tout le monde se lève pour Deacon John !

Deacon John, guitare et noeud pap'
 

Mais, cette fois, il faut vraiment prendre la route, ce qui nous évite le dilemme d'avoir à choisir entre Sleepy LaBeef et Bruce Daigrepont. Nous sommes arrivés un peu tard à Washington, mais Barack a très bien compris.

Texte et photos Jacques Périn

 

(1) Zoo Bar, 3000 Connecticut Ave, Washington, D.C. (face au zoo).
(2) au Festival d'Ile-de-France au château de Villarceaux.
(3) Sharon Baptist Church, dirigée par le Rev. Paul A. Coles, 22 E. Leigh Street, Richmond, VA
4) Le deuxième week-end d'octobre, précédant le Columbus Day.