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Live reports / 29.06.2023

Curtis Harding, Salle Pleyel, Paris

18 juin 2023.

Astrønne ouvre la soirée. Bien que visiblement très impressionnée, la jeune Bretonne se débrouille plutôt bien avec sa seule guitare pour l’accompagner sur scène – alors que ses titres postés sur les plateformes sont jusque là plutôt servis par des productions électroniques. Une très belle voix aux accents R&B qui charme la salle et achève, à la fin d’une courte première partie, de faire taire les discussions d’un public bien bavard en ce dimanche soir.

Le contraste est radical : après la simplicité du set guitare-voix d’Astrønne, c’est la promesse d’un véritable show qui attend la Salle Pleyel. Et on n’est effectivement pas déçus quand arrivent un par un les musiciens, qui entament On and on. Lunettes noires – qu’il ne quittera pas de la soirée malgré le sombre éclairage – sur le nez et cymbale à la main, ensemble jaune moutarde tout droit sorti des années 1970, Curtis Harding entre ensuite sur scène sous les applaudissements du public aussitôt réveillé.

Astrønne
Kate Curly, Curtis Harding, Michael Villiers, Tomi Martin

Trois autres morceaux suivent alors, chacun issu d’un des trois albums de cet artiste américain. Can’t hide it, pourtant l’un des singles du dernier album “If Words Were Flowers” (2021), semble être accueilli par moins d’enthousiasme que les chansons des albums plus anciens. C’est donc finalement Next time qui achève de convaincre l’ensemble de la salle. Il est parfois des chansons dont les versions live nous font presque oublier l’existence d’un enregistrement studio. Next time, qui figure sur le premier LP de Curtis Harding (“Soul Power”, 2015) est de ceux-là. Le titre prend ici une dimension nouvelle et permet à l’ensemble des musiciens de briller – particulièrement lors d’un chouette solo de synthé en dernière partie du morceau, rallongé par rapport à celui de la version enregistrée. Le « see you later, bitch! » qui clôture cette chanson de rupture, lancé d’un air goguenard par Harding aux premiers rangs de la fosse, illustre bien comment tous sur scène prennent un véritable plaisir à s’éloigner quelque peu des versions studio des différents titres, et ce tout en gardant le contrôle du set.

Choisissant judicieusement de faire redescendre la température, le chanteur poursuit avec la ballade Castaway. Le titre remplit un double objectif : Curtis Harding s’offre un joli solo sur sa guitare pailletée – on est flamboyant ou on ne l’est pas ! – mais, surtout, réussit une impeccable transition vers la suite du set, davantage axée sur les morceaux de “lover” qui l’ont fait connaître et qu’attend visiblement Pleyel. La soul aux touches tantôt blues ou R&B, tantôt rock, qui est celle des albums “Soul Power” puis “Face Your Fear” (2017), reçoit un accueil chaleureux du public. Harding le rend bien, et dialogue alors davantage avec celui-ci.

Curtis Harding

Un Face your fear contrôlé et collectif annonce le retour de la danse et une fin de concert rythmée : il est ainsi suivi de Heaven’s on the other side, annoncé par Curtis Harding comme « an opportunity to shake your ass. » Après It’s not over, single de 2018, vient le tour du très beau I won’t let you down, une des rares chansons de la soirée à être issue d’“If Words Were Flowers”. Le dernier refrain est repris a cappella par Harding, qui enjoint ensuite le public à scander avec ses musiciens les paroles qui donnent au morceau son titre. Et même si on n’est ni dans la Géorgie dans laquelle le chanteur a grandi ni au milieu d’un concert gospel comme ceux dans lesquels sa mère a pu chanter, il est clair que ces références sont chères à Curtis Harding. « This is reminding me of my childhood, singing along with everybody in a church », glisse-t-il. Et soudain, derrière les lunettes noires, la star-attitude semble vaciller un peu. Mais pas pour longtemps. Deux autres titres complètent la setlist, suivis par Hopeful et le – très – attendu Need your love en guise de rappel.

Il nous reste l’impression d’un set maîtrisé. La formation musicale (un batteur, un guitariste, une bassiste, un claviériste et un saxophoniste – les deux derniers occasionnels choristes sur certains morceaux) y est pour beaucoup, notamment grâce à une section rythmique très efficace. Le live sert clairement la majorité des chansons qui perdent le côté très voire trop produit de leurs versions studio pour gagner en liberté musicale et en sincérité. Face your fear en est le parfait exemple : bien que titre éponyme, il peine à s’imposer au milieu du second album de Curtis Harding, mais il est véritablement un moment fort de la soirée.

La configuration de Pleyel – une fosse dynamique mais très réduite devant 2 000 places assises qui le sont beaucoup moins – complique peut-être un peu les efforts du chanteur lorsqu’il enjoint le public à danser davantage pendant le concert. Malgré ça, Harding mouille la chemise – littéralement – et ravit une salle qui repart visiblement enchantée de sa soirée. Dans la foule qui sort du concert, on entend une inévitable comparaison entre Curtis Harding et l’illustre Curtis Mayfield. Ils partagent effectivement un goût certain pour les costumes jaunes, mais aussi et surtout une attitude à la fois enthousiaste et décontractée. On est cool ou on ne l’est pas : quand on se prénomme Curtis, c’est visiblement une évidence.

Texte : Kiessée Domart-N’Sondé
Photos © J-M Rock’n’Blues
Plus de photos ici.

Setlist 
On and on
-The drive
Go as you are
-Can’t hide it
-Next time
-Castaway
-Need my baby
-Dream girl
-Keep on shiningTill the end
-Explore
-Wednesday morning atonement
Face your fear
Heaven’s on the other side
-It’s not over 
-I won’t let you down
-Ghost of you
-Freedom
-(rappel) Hopeful + Need your love

Curtis HardingJ-M Rock'n'BluesKiessée Domart-N'Sondélive in ParisSalle Pleyel