Montfort Blues Festival 2023
30.11.2023
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Découvert au sein des Snarky Puppy, Cory Henry est le membre du collectif le plus régulier sur les scènes françaises : ces derniers mois, on l’a vu à plusieurs reprises à Paris et dans quelques festivals de goût avec son trio et ses Funk Apostles. Cette fois-ci, c’est en format duo, avec le batteur néerlandais Yoran Vroom (entendu notamment avec Frank McComb), qu’il se présente dans le cadre intimiste du Duc des Lombards.
Visiblement très détendu – il débarque sur scène avec son sac à dos ! –, il faut quelques temps à Henry pour entrer dans le concert, mais, une fois qu’il y est, il semble possédé par sa musique. Difficile d’ailleurs pour son batteur de le suivre dans ses improvisations : il faut bien admettre que Vroom, qui ne manque pas de talent par ailleurs, n’est pas tout à fait de taille pour l’exercice, et qu’un partenaire de duo plus solide serait sans doute plus stimulant.
Cory Henry et Yoran Vroom
Cory Henry
Bien que Henry annonce en ouverture qu’il va interpréter des morceaux issus de son album à venir, “The Revival Project”, il n’y a visiblement pas de set list prévue et c’est l’humeur du moment qui décide des morceaux à jouer. Des trois claviers présents sur la scène (orgue, piano, synthé), c’est l’orgue Hammond qui attire le plus le musicien ce soir, et l’influence gospel – plus que celle des organistes soul-jazz des années 1960, par exemple – est évidente dans son jeu. Il l’explicite d’ailleurs le temps d’une version inspirée de Wade in the water. Mais pas question de se limiter à un style de musique en particulier, et cette exploration gospel est suivie d’une version originale, très percussive, du Straight no chaser de Thelonious Monk. Présent dans la salle, le clavier Jason Lindner, entendu notamment avec Avishai Cohen et sur le prochain disque de David Bowie, ne se fait pas prier pour rejoindre le piano, tandis que Henry retrouve l’orgue. La complémentarité entre les deux musiciens est évidente, et leur combinaison atteint des hauteurs stratosphériques – un tourneur malin pourrait y trouver une belle idée…
Symbole sans doute de sa volonté de ne pas se laisser enfermer dans un style en particulier, Henry, qui bénéficie d’une belle voix qui évoque par moment celle de Marvin Gaye, s’attaque ensuite d’une belle façon au If it’s magic de Stevie Wonder. La version un peu poussive de Georgia on my mind qui lui succède est le point faible de la soirée, mais c’est un Superstition totalement réinventé – qui marque le premier recours au synthétiseur de la soirée et pour lequel il est à nouveau rejoint par Lindner – qui vient clore le set avant que Henry revienne, seul au piano, donner une interprétation élégante et originale de A song for you.
Inutile d’ajouter que Henry, dans ce format pas évident, fait plus que confirmer les promesses de ses prestations au sein des Snarky Puppy : on guettera avec attention ses prochaines visites, annoncées pour 2016…
Frédéric Adrian
Photos © Frédéric Ragot