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Live reports / 06.07.2017

CHICAGO BLUES FESTIVAL 2017 (part 2)

Dimanche

J.J. Thames (vo). Elle se concentre sur son répertoire soul funky et c’est tant mieux. Davantage de prestance et une meilleure direction artistique la grandissent.

The Blues Disciples feat. Erica Johnson et Milwaukee Slim. Je connaissais le chouette CD mais leur prestation est sans relief face à la concurrence. Bar band classique entraîné par l’harmoniciste “Barefoot” Jimmy Schwarz. Ses deux invités, surtout Slim, se situent trop dans l’ambiance “touristes”.

Vance Kelly (vo, g) & The Back Street Blues Band. Le style soul de leur revue endimanchée ne me correspond pas trop mais j’apprécie leur côté “bourlingueur de social clubs” qui sonne vrai.

 


J.J. Thames © BC

 


Erica Johnson © AH

 


“Barefoot” Jimmy Schwarz
© AH

 


Milwaukee Slim © AH

 


Vance Kelly © BC

 

Rick Estrin & The Nightcats (vo, hca). Vus et revus, c’est toujours un plaisir sonore et visuel d’entendre le jump blues festif et inventif des paroles, l’harmonica du leader, sa voix sardonique et la créativité guitaristique de Kid Andersen. Cette année, leur Dump that chump final prit une signification particulière en cette ville démocrate.

Mud Morganfield (vo). Le plus fidèle de la famille à l’héritage de papa, jusqu’à la caricature. Studebaker John (hca) assume les accents walteriens avec panache.

 


Rick Estrin © BC

 


Kid Andersen © BC

 


Kid Andersen, Rick Estrin © AH

 


Studbaker John, Mud Morganfield © BC

 


Studbaker John, Mud Morganfield © AH

 

Chi Town Harp Showcase. Bonne idée de mettre en valeur trois harmonicistes afro-américains de la Windy City : Omar Coleman, qui soigne de plus en plus son chant ; Russ Green, toujours aussi réservé – parfois, j’ai envie qu’il s’extériorise davantage – et Lamont Harris, très fluide, au phrasé généreux mais dont je ne trouve aucune trace sinon sur Youtube.

Wallace Coleman (vo, hca). Ce vétéran apprécié en son temps par Robert Lockwood Jr représente la vieille école, celle qui vous transporte derechef dans l’immédiate après-guerre. Dommage que son groupe de fidèles musiciens ait l’air de s’ennuyer, fait rare chez les Américains.

 


Omar Coleman © BC

 


Russ Green © BC

 


Lamont Harris © BC

 

Le festival se clôture sur la grande scène à écran géant de l’auditorium, qui fait le plein bien au-delà de sa pelouse, créant un encombrement de circulation au sein d’une foule étonnement patiente et disciplinée.

Ronnie Baker Brooks (vo, g). Trop c’est too much. Ce n’est plus un solide set de blues rock renforcé de cuivres, c’est une scène biblique, précédée d’un film consacré à la sainte famille du blues qui est aux cieux. Tous de blanc vétus à l’effigie de papa, ils vont multiplier les incantations à son égard, les yeux tournées vers l’au-delà, et s’approprier ses reliques exposées, sauf les bottes : deux guitares et le Stetson. Ils ? Ronnie, les musiciens puis son frère Wayne et Jellybean Johnson. Cette fois, c’est Ronnie le leader. Ceci dit, le trio a de la gueule, grand écran en prime mais quand Ronnie tentera d’introniser sa fille de 2 ans, ce sont les rois mages en sus. Ah, s’il pouvait se concentrer sur son cœur de métier.

 

 


Wayne Baker Brooks, Ronnie Baker Brooks, Jellybean Johnson © BC

 


Wayne Baker Brooks, Ronnie Baker Brooks, Jellybean Johnson © BC

 


Wayne Baker Brooks, Ronnie Baker Brooks © AH

 


Billy Branch, Ronnie Baker Brooks © BC

 


Ronnie Baker Brooks et sa fille © BC

 

Rhiannon Giddens (vo, fiddle, banjo, g). Les Carolina Chocolate Drops avaient rouvert les chapitres douloureux de la tradition rurale des esclaves importés, elle les approfondit avec maturité et je me suis surpris à être sincèrement intéressé par sa démarche artistique et militante. Formule string band – remarquables accompagnateurs multi-instrumentistes subtils et précis – elle revisite les fondamentaux des Carolines, bien sûr, mais aussi toute la tradition Piedmont : influences celtes, les gigues, le bluegrass, des spirituals campagnards, les complaintes des cueilleurs… dans un ensemble musical cohérent. C’est beau, poignant et historique, chanté au vibrato alto par cette jeune femme formée à l’école de l’opéra. Et quand elle reprend des titres engagés de Patsy Cline, Odetta, Mavis Staples et le jubilant Up above my head de Sister Rosetta Tharpe, elle recueille un triomphe bien mérité.

 


Rhiannon Giddens © BC

 


Lalenja Giddens Harrington, Hubert J Jenkins, Rhiannon Giddens, Jason Syphen © BC

 

Gary Clark Jr (vo, g). En trio beaucoup trop violent à mon goût (pédales, riffs, volume), il torture quelques classiques à la Cream et ses compositions sonnent comme ce qu’un confrère américain appelait “Godzilla stomp”. Après la finesse des précédents, ce retour aux 70’s m’est insupportable. Et dire que nous l’avions tant aimé quand il accompagnait Mabel John. Aujourd’hui, c’est une rock star qui fait chasser les photographes après trois titres. Bonne idée : je dois me soulager les oreilles malgré mes protections auditives et des prestations en clubs sont attractives.

 


Gary Clark Jr © BC

 


Gary Clark Jr © BC

 

Dans le cadre du festival, des tavernes, des lieux conviviaux et le Centre culturel nous proposent des concerts identitaires. Dans les clubs du Northside (que reste-t-il aux South et West Sides ?) une poignée de bluesmen tournent et se complètent mutuellement : Tom Holland (g, ex-James Cotton), les “suspects habituels” (Billy Flynn, Bob Stroger, Kenny Smith …), John Primer, Guy King, Jimmy Burns, Martin Lang (hca), les inoxydables Tail Dragger et Willie Buck, qui sont de toutes les jams… Le Legends promotionne des sets gratuits au Navy Pier. Nous y avons apprécié : Louisiana Al – belle formation compacte avec ténor où œuvre un revenant, Vino Louden (g), toujours meurtri par son accident de voiture, époque Koko Taylor – et Corey Dennison (vo, g), la révélation soul blues, accompagné d’une solide section rythmique et son fidèle Gerry Hundt (g). En club, ils sont encore meilleurs.

 


Tail Dragger © BC

 


Tail Dragger © AH

 


Louisiana Al © AH

 


Vino Louden, Lousiana Al © AH

 


Corey Dennison © BC

 


Gerry Hundt © AH

 


Corey Dennison © AH

 

Comme chaque année, celui de Buddy Guy ouvre les festivités : Ronnie Baker Brooks (bon !) et Shemekia Copeland sont les invités de Toronzo Cannon, de plus en plus représentatif de Chicago. Il sera d’ailleurs proposé par Bruce Iglauer, avec Jimmy Johnson et Mike Wheeler en jam, à une équipe de CNN en ligne pour faire la promo musicale de la ville. Jimmy Burns en profitera aussi.

 


Ronnie Baker Brooks, Toronzo Cannon, Shemekia Copeland © AH

 


Jimmy Burns, Toronzo Cannon, Mike Wheeler © AH

 

Par contre, grosse déception avec Linsey Alexander (Kingston Mines), démagogue et plus intéressé par la compagnie féminine. Melody Angel se produisait en trio sur une scène communautaire : déception d’entendre à plein volume Sunshine of your love et Fire (Cream, Hendrix).

 


Linsey Alexander © AH

 


Melody Angel © AH

 

Au Daley Plaza, à midi, c’est un plaisir toujours renouvelé : Matthew Skoller (vo, hca), Deitra Farr (vo), Tom Holland (g) et leurs musiciens, dont Felton Crews à la basse. Aussi : Morry Sochat (vo, hca) jouant deux sets pour… moi tout seul au stade des White Sox !

 


Matthew Skoller (ici au festival) © BC

 


Deitra Farr (ici au festival) © BC

 

Le dimanche soir, devant une assistance plutôt réduite pour écouter Guy King et John Primer au Legends, le maître des lieux, Buddy Guy, présent dans un coin sombre du bar, est venu nous chanter (quelle voix toujours puissante et déclamatoire !) un Five long years jubilatoire.

 


Buddy Guy, John Primer © AH

 

Cependant, la programmation qui m’a dynamisé le samedi soir (choix difficile avec celle du Reggie’s) fut celle du Fitgerald’s à Berwyn, extrême banlieue ouest : The Jimmy’s, sorte de Roomful of Blues entraîné par le claviériste Jimmy Voegeli ; Nick Moss band feat. Dennis Gruenling et ses invités habituels (Kate Moss, g, et Mike Ledbetter, vo) ; Nikki Hill, en super forme et pour cause : son mari Matt est toujours aussi efficace et acéré à la Telecaster mais la seconde guitare est tenue par… Laura Chavez ! Et quand ces deux-là se sont échangés des solos à la Keith Richards-Ron Wood à l’adrénaline, c’était sciant ! Un triomphe pour cette formule gagnante ! Je crois que vous devriez déjà préparer votre visite à Chicago en 2018.

 


Nick Moss, Dennis Gruenling © AH

 


Nick Moss, Mike Ledbetter © AH

 


Matt et Nikki Hill © AH

 


Laura Chavez, Nikki Hill © AH

 


Kate Moss © AH

 

André Hobus
Photos © Brigitte Charvolin, André Hobus

 

Rappel : le coup de cœur de notre photographe Brigitte Charvolin. La célébration du 40anniversaire des Sons of Blues.

Un set enlevé, construit, émouvant. Si Billy Branch a réuni autour de lui quelques-uns des musiciens qui ont contribué à l’aventure des SOB’s, notamment les guitaristes Lurrie Bell, Carlos Johnson, Carl Weathersby, puis Dan Carelli et Gilles Corey, il ne s’agissait pas d’un simple défilé de solistes. Il y avait là un vrai travail de mise en place, d’arrangements. La fulgurance des solos étaient sublimée par le riche accompagnements des cuivres (Bill McFarland, Hank Ford, Kenny Anderson) et des choristes (Mae Koen, Diane Madison, Nanette Frank).

 


Carlos Johnson, Billy Branch © BC

 

Billy Branch, le “New Kid on the block” du “Harp Attack” d’Alligator, est au sommet de son art et l’hommage qu’il a rendu à James Cotton était tout simplement magistral. Beaucoup d’émotion aussi avec cette splendide version de Toxic love interprétée, chantée avec une sombre intensité ; un climat poignant encore renforcé par la belle prestation de deux danseurs. Et final de ce set mémorable, tout le monde sur scène pour un Flip flop and fly débridé.

Brigitte Charvolin