Dylan Triplett & The Simi Brothers, Blues sur Seine 2023
05.12.2023
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Depuis 2009 que le Chicago Blues Festival ne fait plus étape à Bagneux, c’est vers le Jazz Club du Méridien Etoile que l’amateur parisien doit se tourner s’il veut assister à cette grande messe annuelle du blues. Depuis sa création en 1969, cette tournée est devenue une sorte d’institution qui peut s’enorgueillir d’un palmarès impressionnant. Quasiment tous les musiciens qui comptent (ou ont compté) à Chicago ont participé un jour à l’aventure. A tel point qu'à force de ratisser le South et le West Side, il a fallu se résoudre à aller recruter au-delà des limites de la ville et de l’État pour diversifier les plateaux. L’essentiel tenant dans ce générique magique, "Chicago Blues Festival", dont le simple énoncé suffisait (et suffit toujours) à mobiliser le public.
Quoi qu’il en soit, la cuvée 2012 justifie pleinement son appellation. Tous ses participants sont des piliers de la scène contemporaine du blues de Chicago. Et même si Bob Corritore exerce le plus souvent ses talents dans son club de Phoenix, Arizona, c’est bien dans la Windy City qu’il est né et a fait ses premières armes.
Depuis quelques mois, les concerts du Jazz Club commencent à 21 heures 30 et se déclinent en trois sets d’une heure chacun environ. Chacun d’eux reprenait la même distribution des rôles avec Melvin Smith dans le rôle du MC. Une tâche dont il s’acquittait avec une emphase tempérée par humour certain, tout en assurant ses parties de basse avec la sûreté qu’on lui connaît depuis les années passées aux côtés de Koko Taylor.
Melvin Smith
C’est Bob Corritore qui s’y colle le premier, avec un instrumental destiné à mettre sa technique de l’harmonica bien en valeur, ce qu’il fait sans ostentation excessive, en homme de goût qu’il est !
Bob Corritore
C’est ensuite au tour de Billy Flynn de s’octroyer un titre. On connaît la subtilité de son toucher, son respect de la tradition et son érudition ; tout cela se vérifie, notamment lorsqu’il évoque Jimmy Rogers, mais son manque de charisme l’empêche de susciter une large adhésion du public.
Billy Flynn
Willie Hayes a lui aussi droit à son moment de gloire, le temps d’un titre emprunté à Jimmy Reed (j’ai remarqué que les batteurs reprenaient souvent Jimmy Reed lorsqu’ils devaient chanter…). Si ce n’est pas désagréable, disons que ça n’a rien de palpitant non plus et que Willie Hayes reste avant tout un grand batteur de blues !
Willie Hayes
Avec John Primer, on entre dans le cœur de cible, le Chicago blues pur et dur. Celui qui a mûri dans le Mississippi avant de migrer. L’ex-compagnon de Muddy Waters et Magic Slim (comme se plaît à le rappeler Melvin Smith) est une valeur sûre, marqué par ses rencontres, et d’une authenticité indiscutable. On se régale de Going back to Mississippi ou Mannish boy, et ses parties de slide ont su retenir l’intensité dont Muddy Waters les chargeait.
John Primer
La chanteuse Peaches Staten fait (presque) figure de nouvelle venue. On l’a encore peu vue de ce côté de l’Atlantique et on ne lui connaît qu’un seul enregistrement (un Live au Legends). Ce n’est pourtant pas une gamine et disons qu’elle se classe dans la bonne moyenne de ces chanteuses que l’on a vu émerger ces dernières années de Chicago. Avec du métier, de la présence, mais aussi un manque de répertoire. On passe donc un bon moment en compagnie de Peaches Staten avec Down home blues ou une reprise de Wang dang doodle astucieusement mêlée à Stand up for your rights, d’autant qu’elle laisse s’exprimer Bob Corritore, Billy Flynn ou John Primer.
Peaches Staten
Ce crû 2012 du Chicago Blues Festival répondit bien nos attentes, sans pour autant surprendre ou enthousiasmer. La formule des trois sets à l’identique serait sans doute à revoir, en ce qu’elle empêche les artistes d’instaurer un climat et à se laisser aller à plus d’introspection.
Texte Jacques Périn
Photos © Brigitte Charvolin (à Nîmes, 27/11/2012)