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Brèves / 09.05.2016

Candye Kane, 1961-2016

Huit ans. Pendant huit ans, Candye Kane a lutté contre un cancer du pancréas contracté en 2008 qui n’est jamais vraiment parti. Justifiant un peu plus chaque jour ses surnoms de “Toughest Girl Alive” et de “Superhero”. Il y a tout juste trois ans, lors d’une interview à Tremblay-en-France en vue d’un article paru dans notre numéro 216, elle m’avait avoué que la maladie serait toujours là, qu’il lui fallait apprendre à vivre avec, à repousser l’échéance. Que cela pourrait durer six mois, cinq ans, quinze ans, elle l’ignorait, tout le monde l’ignorait. Et puis, en tout début d’année, des nouvelles alarmantes nous sont parvenues de Californie. Hospitalisée d’urgence, elle fut victime d’hémorragies abdominales dont les médecins ne trouvaient pas la cause. Elle nous a fait très peur. Puis on s’est remis à y croire, ça allait mieux, paraît-il. Mais fallait-il se bercer d’illusions ? Car quatre mois plus tard, ce 6 mai 2016, Candye Kane a rendu les armes. Nous laissant tristes et orphelins d’une chanteuse parmi les plus attachantes et les plus populaires sur la scène blues de ces dernières années.

 



Avignon, 2003 © Brigitte Charvolin

 

Une chanteuse généreuse aussi, au parcours fort singulier dans l’histoire du blues. Un parcours qui débute le 13 novembre 1961 quand Candace Hogan voit le jour à Ventura en Californie. Elle connaît une enfance particulièrement agitée entre un père emprisonné pour escroqueries répétées et une mère parano qui pense que sa fille est un peu foldingue et lui impose de consulter à peu près tous les psychiatres que compte la région. Mais la future Candye Kane a déjà très envie de chanter, quitte à passer par l’opéra à l’école… Un style qui ne lui plaît pas, et la jeune fille tombe enceinte à dix-sept ans. Il s’agit, un peu brutalement, d’affronter la vie. Pour subvenir à ses besoins et à ceux de son fils, elle opte pour la photo dénudée et apparaît dans quelques films à caractère pornographique. Une situation dont la musique va la sortir car elle fréquente parallèlement la scène californienne, sans vraiment choisir entre punk, rock, country blues…

 

 

En 1986, elle apparaît sur une compilation country, “A Town South of Bakersfield”. À la même époque, elle s’installe à San Diego et s’oriente plus franchement vers le blues, réalisant son premier disque, “Burlesque Swing” en 1991. D’autres suivent dans les années 1990 pour plusieurs labels dont Antone. Ils révèlent une chanteuse au phrasé souple et une compositrice avisée. Sur scène, Candye Kane – qui n’a jamais caché sa bissexualité – se distingue par des tenues extravagantes et une étonnante capacité à communier avec ses publics qui la rend particulièrement sympathique. À partir de 2000, avec la sortie de “The Toughest Girl Alive”, elle devient une artiste très demandée pour les festivals et les tournées. Une belle revanche pour une artiste qui a du mal à trouver des engagements du fait de son passé sulfureux. Ainsi, en 2013, elle m’expliquait qu’elle n’apparaissait pas en première page sur Google car elle avait tourné dans des films X, ce qui ne représentait pourtant qu’une courte parenthèse de sa vie…

 



Candye Kane et Kenny Neal, Paris, 2009 © Brigitte Charvolin

 



Candye Kane et Laura Chavez, Paris, 2013 © Patrick Canigher

 

Quand on lui diagnostique un cancer en 2008, elle ne renonce pas, continuant à beaucoup tourner et enregistrer. C’est pour elle une question de survie, mais elle adore ça et ses derniers disques sont peut-être justement ses meilleurs, sur lesquels elle bénéficie en outre d’une jeune guitariste étourdissante, Laura Chavez. “Superhero” (2009) et “Sister Vagabond” (2011) sont ainsi absolument magnifiques. Mais son ultime opus, “Coming Out Swingin’” (2013), sur lequel elle nous distille un jump blues tonifiant, constitue un très beau testament. Sans être la plus grande chanteuse de blues de l’histoire, Candye Kane aura marqué son époque par sa musique actuelle qu’elle aura su faire évoluer, sa discographie très consistante, et par sa sincérité, son abnégation et bien sûr son courage. Et franchement, qui pour la remplacer ?

Daniel Léon

 

 


Paris, 2013
© Patrick Canigher