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Live reports / 22.07.2014

Cahors Blues Festival

Venu à Cahors pour rencontrer Toni Green et Arnaud Fradin, par l’entremise de Yohann Feignoux de Nueva Onda, je fus gentiment invité par Robert Mauriès, président du festival, à assister à l’ensemble des concerts. J’ai donc pu voir les concerts du mardi 15 et du samedi 19 juillet.

Le festival offre chaque jour des spectacles gratuits sur une petite scène, dans le Village Blues, et des concerts payants sur la grande scène de l’espace Bessières. Le vendredi 18 juillet était le jour du tremplin et du Blues dans la Ville. Aurélien Morro Blues Band a trusté l’ensemble des prix du tremplin. Blues dans la Ville proposait douze scènes gratuites disséminées dans le centre-ville de Cahors avec autant de groupes dans une grande variété de styles, certains ayant aussi les honneurs de la petite scène du village.

Le mardi 15 juillet bruissait des conversations sur le concert donné la veille par Johnny Winter, son décès n’étant pas encore survenu, entre déception et tristesse. Après avoir terminé l’interview avec Toni Green et Arnaud Fradin, j’ai pu assister aux derniers instants de la master class de Fred Chapellier avec les élèves de l’école du musique du Grand Cahors.

Ils laissèrent la place à Nikki Hill, jeune chanteuse afro-américaine, et son trio avec son mari Matt Hill à la guitare, Ed Strohsahl à la basse et Joe Meyer à la batterie. Nikki a du coffre, un timbre de voix entre Etta James et Wanda Jackson et s’en donne à cœur joie dans un répertoire rock and roll. Ça envoie mais on sent que le groupe est capable d’aller encore plus loin. La faute à un public bien sage ?

 


Matt Hill, Nikki Hill, Ed Strohsahl

 

Le temps d’aller flâner dans les belles rues de Cahors et admirer le marker Blues Trail, allée Fénelon, Soul Bag est cité au dos, il faut revenir à l’espace Bessières pour Toni Green & Malted Milk. Avec une chanteuse comme Toni, présence et voix, et une machine de guerre comme Malted Milk, le résultat ne pouvait être que bon et il le fut ! Funk, ballade, soul classique et originaux, tout coule délicieusement dans nos oreilles et nos yeux. Toni s’échappe le temps pour Malted Milk d’interpréter deux morceaux de son répertoire, puis elle revient pour un final qui achève de faire monter la température. Le disque est annoncé pour novembre, il n’y a plus qu’à attendre.

 


Igor Pichon et Toni Green

 


Arnaud Fradin

 

Le grand concert de la soirée est organisé par Kathy Boyé autour de la Route du Blues avec un voyage entre blues traditionnel, moderne, et gospel, avec un impressionnant défilé d’artistes, s’appuyant sur l’ensemble Vocal Colors dirigé par Kathy, qui entame le show en duo avec Fred Chapellier pour un Strange fruits intimiste. Daniel Stec (p), Greg Aguilar (org), André Neufert (dm) et Pascal Celma (b) forment ensuite l’ossature musicale sur laquelle vont venir se greffer Terry “Harmonica” Bean, en grande forme dans une “élégante” tenue à base de baskets, pantalon de survêtement et visière, Jimmy “Duck” Holmes, trahi par un horrible son de guitare métallique et saturé, Manu Lanvin, qui avait dû se doper avant de monter en scène, tellement il apparut rempli d’énergie.

 


Fred Chapellier, Lucas Péaquin, Kathy Boyé

 


Terry "Harmonica" Bean, André Neufert

 


André Neufert, Jimmy “Duck” Holmes, Pascal Celma

 


André Neufert, Manu Lanvin, Pascal Celma

 

Puis ce fut Nico Wayne Toussaint, Fred Chapellier, les quatre principaux chanteurs de Vocal Colors, Kathy Boyé, et la tornade Ms Niccki, adorable et dynamique chanteuse de Memphis, pour un Wang dang doodle dont le public cadurcien se souviendra.

Ensuite Dale Blade, chanteur trompettiste de la Nouvelle-Orléans apporta une indéniable touche d’authenticité, profondeur de la voix, sens du show, répertoire, et une belle reprise de A change is gonna come. Il convia pour un titre le jeune Lucas Péaquin, prometteur guitariste de 17 ans. Daniel Stec céda sa place à Craig Adams, formidable pianiste chanteur et showman lui aussi, et le spectacle bascula dans la folie avec une succession de titres dansants, Big boss man, I’m walking, Let the good times roll, I am ready, avant un final incroyable où la totalité des artistes fut rejointe par la grande chorale Vocal Colors. Combien de personnes y avait-il sur scène ? Peu importe, la communion musicale fut totale.

 


Nico Wayne Toussaint, Dale Blade, Fred Chapellier

 


Craig Adams

 

Le samedi 19 juillet a démarré avec Pat Roberts & the Heymakers, très sympathique trio de rockabilly venu de Phoenix, Arizona, avec notamment Amanda Lee, impassible à la basse, qui a donné une leçon de sobriété à tous les praticiens du genre. Reprises de Johnny Cash, Elvis, Carl Perkins, Johnny Horton, Charlie Rich, Johnny Burnette, et aussi Fats Domino et Bo Diddley, ces gens ont des lettres. Son de guitare bien chaud, beaucoup de notes dans les graves, solos innovants, joués note à note à un rythme tel qu’on peut les compter, attitude simple, le corps qui parfois ondule mais pas plus, des sourires, un batteur tout gentil qui fait le fou avec parcimonie, du chant en duo avec Amanda sur une reprise de Cash/Carter, et un look global hors du temps. Une parenthèse reposante, accompagnée de délicieuses aiguillettes de canard !

 


Pat Roberts & the Heymakers

 


Amanda Lee

 

Une sensation qui va se prolonger avec Naomi Shelton & the Gospel Queens. Le groupe comprend toujours Gabriel Caplan à la guitare, Cliff Driver aux claviers, et aussi Jeremy Kay à la basse et Chevon Bridges, formidable batteuse, précise et funky. Après deux instrumentaux dirigés par Cliff Driver, dont le son à l’orgue Hammond caresse nos oreilles dans le bon sens, les trois Queens, Amy Birnbaum, Edna Johnson et Bobby Jean Gant entrent en scène, précédant la star Naomi Shelton, toute en violet, chapeau compris, et c’est parti pour le très bien nommé Lift me up. Le répertoire comprend les hits de Naomi, What more can I do, What have you done, la traditionnelle reprise de A change is gonna come, les passages pris en solo par chacune des Queens. La voix de Naomi est puissante, précise, parfois aboyée, toujours appuyée, avec des cris remplis de hargne, mais ses yeux, son sourire, s’allument régulièrement pour rappeler le cadre, celui de l’amour des hommes et de Dieu. Face à tant de ferveur, l’orage qui couvait passe prudemment sur la pointe des pieds. Il n’y aura malheureusement pas de rappel.

 


Naomi Shelton & the Gospel Queens

 

 

Alors que la balance avait bien eu lieu, Otis Taylor commença quand même par accorder son étrange banjo électrique à cinq cordes en forme de Telecaster. Avec son Contraband au sein duquel on reconnaît les fidèles Anne Harris (vl), Todd Edmunds (b), Larry Thompson (dm), et un jeune guitariste très rock, Taylor Scott, Otis va donner un show étrange tant il apparaîtra nonchalant de temps à autre. Anne Harris et Larry Thompson assurent le spectacle, la première par son jeu de violon, bien sûr, mais aussi par de multiples déhanchés et pirouettes, elle ne porte pas de motifs de pierreries à l’arrière de son pantalon pour rien, le deuxième par un jeu puissant et un remarquable solo, peut-être un peu long. Mais Otis saura se réveiller quand il prendra un harmonica et descendra dans le public qu’il entraînera dans une chenille brinquebalante. Le ton montera alors d’un cran avec un son de guitare plus dur et plus fort, de longues parties instrumentales. Le futur du blues ? Qu’il nous soit permis de rester perplexe.

 


Anne Harris, Otis Taylor, Taylor Scott

 


Anne Harris

 

Texte et photos : Christophe Mourot