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Live reports / 18.06.2013

BLUES RULES FESTIVAL

La vieille gare désaffectée de la Flèche d'Or, au bout de la rue de Bagnolet dans le 20e, nous préparait sans problème à une ambiance blues pour le premier passage à Paris du festival Blues Rules : vue sur rails à travers vitres cassées, quartier vivant et cosmopolite, chaleur de l'été qui essayait de se pointer… Nous étions loin du château de Crissier, en Suisse, où se déroulait jusque-là ce jeune festival.

C'est Lightnin’ Malcolm qui ouvre le bal, seul à la guitare électrique accompagné du beat de la grosse caisse de sa batterie minimaliste. Avec son répertoire très juke-joint, il s'inscrit dans la continuité de R.L. Burnside et consorts. Ses riffs lancinants, sur un accord suggéré, avec une voix bien placée, et parfois avec un beau picking à la Mississippi John Hurt, chauffent vite la salle pour l'arrivée d'un des derniers survivants de ces vieilles générations de bluesmen du sud des États-Unis.

 


Lightnin’ Malcolm © Fouadoulicious

 


Lightnin’ Malcolm © Fouadoulicious

 

Assis sur sa chaise, habillé toujours très chic, Robert Belfour se présente et blague, regardant à travers ses lourdes lunettes l'audience impatiente. Après avoir longuement accordé sa guitare, il va, lui aussi, emballer le jeune public amassé devant la scène qui découvrait, peut-être pour la première fois, un vétéran du blues Mississippien… Malcom le rejoindra rapidement à la batterie, ponctuant la musique de Belfour, la rendant encore plus hypnotique. Avec son jeu de guitare toujours un peu déglingué, ce dernier nous a gratifié de quelques standards, terminant sur un Boogie chillen totalement convaincant.

 


Robert Belfour © Christian Esther

 


Robert Belfour © Yoann Chassot

 

En dernier, Left Lane Cruiser et sa guitare speedé, accompagné d'un seul batteur, va rafler la mise, s’imposant comme une tornade qui pourrait dévaster certaines oreilles. S'il fallait extraire l 'ADN de sa musique et de sa prestation, il y aurait  un mélange des Sex Pistols, de Hound Dog Taylor et de ZZ Top (pour la barbe aussi…). Avec son ampli à fond, à la limite du larsen, les coups ravageurs du slide sur sa guitare en accord ouvert (ça sonne mieux et plus fort !), il enthousiasme immédiatement un public conquis d'avance. Lightnin’ Malcolm viendra calmer provisoirement le jeu, s'ajoutant aux deux compères, proposant un blues de Junior Kimbrough bien à propos. Dans une dernière déferlante, le guitariste-chanteur mutant achèvera le concert porté par la foule…

 


Left Lane Cruiser © Fouadoulicious

 


Left Lane Cruiser © Fouadoulicious

 

Le Blues Rules Festival est la démonstration que le blues continue de s'adapter et de se mélanger comme il l'a toujours fait, réunissant des jeunes musiciens qui, avec le  respect des anciens, perpétuent la mémoire de leurs chansons et les galvanisent : il suffisait de regarder Left Lane et Malcolm discuter longuement entre les sets avec Robert Belfour pour s'en assurer.

Un stand installé dans la salle vendait livres, CD et DVD de blues du plus grand intérêt, et même les beaux LP du label Dust-to-Digital : impossible de ne pas y laisser quelques euros. Les bras encombrés, nous sortîmes bien satisfaits de cette soirée énergisante. Nous redescendîmes ensuite la rue de Bagnolet… Au deuxième feu à gauche, un blues plus classique sortait d'un café : Véronique Sauriat et ses Mama's Biscuits finissaient leur set, jammant avec Benoit Blue Boy et Steve Verbeke. Oui, ce soir Paname avait un bon goût de blues, raison de plus pour que ce sympathique festival refasse le détour par la capitale l'année prochaine.

Christian Esther