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Live reports / 01.09.2016

Blues en Chenin

Ne cherchez pas Chenin sur une carte, c'est le cépage qui donne le coteaux-du-layon lorsqu'il est vendangé tardivement, un vin blanc moelleux à souhait que l'on élève à Saint-Lambert-du-Lattay et alentour. Mais trêve d'œnologie et place à un festival qui a fait ses preuves puisqu'il en était à sa quatorzième édition.

C'est de Nantes que viennent les premiers invités : Arnaud Fradin et Kevin Doublé. Lorsqu'il ne tourne pas avec Malked Milk (avec ou sans Toni Green), Arnaud s'investit dans Stagger Lee ou son Roots Combo, il aime aussi la formule guitare-harmo qu'il partage avec Thomas Troussier ou Kevin. Ouf ! C'est cette dernière configuration qui est au programme aujourd'hui, redonnant un sang neuf aux classiques du country blues, de Robert Johnson à Skip James (belle version de Hard time killing floor), en passant par le toujours bienvenu Catfish blues, s'autorisant même une entorse “avant-gardiste” avec Bob Dylan ! Kevin Doublé est une harmoniciste inventif et expressif, influencé par les deux Sonny Boy, toujours prêt à rebondir dès qu'Arnaud le sollicite. Pour ce dernier, pas de solos à attendre dans ce contexte, mais un jeu captivant, tout en pleins et déliés, insufflant une assise rythmique efficace, encore renforcée quand il s'empare de la guitare métallique.

 


Kevin Doublé, Arnaud Fradin

 


Kevin Doublé

 


Arnaud Fradin

 

Au duo acoustique succède le blues band étoffé de Mojo Machine qui qualifie sa musique de “rock & Chicago blues from deep Kreiz-Breizh”. Du solide donc, mais sans débordement, avec un excellent chanteur, deux guitares complémentaires, un harmoniciste impliqué et le couple basse-batterie. Leur blues est asséné avec conviction et une belle énergie. Ils ont déjà (au moins) trois albums au compteur dans lesquels ils puisent reprises et quelques originaux toniques.

 


Mojo Machine

 

Le Lightnin' Guy qui rendait hommage à Hound Dog Taylor est devenu le Guy Verlinde d'une musique plus personnelle qui tempère son âpreté dans un rock mainstream consensuel. Il s'attache vite l'adhésion du public par sa musique, mais aussi par son bagout, présentant chacun de ses titres avec humour très belgo-flamand. À l'aise dans ses compos – I've got you, Mr. Maxwell Street –, il est moins heureux dans sa reprise de Ain't no sunshine (difficile après Bill Withers ou Freddie King !) curieusement mêlée à No woman no cry. Il passe avec facilité de l'harmo à la guitare, et même au kazoo. Après un bon Shake your hips, il reprend, en rappel le Bon temps roulet de Clarence Garlow. Évidente preuve de goût !

 


Guy Verlinde & Mighty Gators

 


Guy Verlinde

 

Avec ses Rhythm Dudes, Nico Duportal délaisse les reprises pour recentrer son répertoire sur ses propres compositions. Ce qui ne change pas fondamentalement l'esprit de son rocking blues bien tempéré. Évidemment, on entend des échos de T-Bone Walker, Guitar Watson, Ike Turner et quelques autres dans son jeu de guitare, mais parfaitement assimilés et fondus. Sa technique est d'autant plus impressionnante qu'elle évite les démonstrations egomaniaques. En solo, il préfère le milieu du manche aux aigus frénétiques. En rythmique, il stimule ses compagnons, tous excellents solistes : Sylvain Tejerizo au ténor et Alex Bertein au baryton, Olivier Cantrelle aux claviers, Pascal Mucci à la batterie. Très présent à la contrebasse, Thibaut Chopin occupe le devant de la scène en chantant le Louisiana de Percy Mayfield. Nico, lui, présente de larges extraits dans son prochain album, annoncé pour novembre, qui s'annonce très personnel au niveau des textes, sur des musiques toujours aussi toniques.

 


Pascal Mucci, Nico Duportal, Thibaut Chopin, Sylvain Tejerizo

 


Nico Duportal

 

Il est plus d'une heure et demie lorsqu'ils concluent avec Real rockin' papa devant un auditoire malheureusement trop clairsemé. Visiblement, l'Angevin se couche tôt, ce dont devraient tenir compte les organisateurs en démarrant plus tôt ou en évitant, peut-être, de trop longues pauses entre chaque groupe.

Texte et photos Jacques Périn