Nice Jazz Fest 2024
05.09.2024
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Big Daddy Wilson
Débordant de bonne humeur et d'entrain, Tom Attah négocie avec aisance l'exercice périlleux de la prestation en solo. On reste cependant sceptique devant sa volonté manifeste de “jouer au bluesman”, costume et chapeau à l'appui. Surtout qu'il base son répertoire sur des classiques éculés du Delta blues, Robert Johnson en tête. Rien à signaler côté compos, si ce n'est un décalque de How blue can you get?. Chanteur puissant dans les graves, le Britannique peine cependant à convaincre dans un autre registre, en particulier lorsqu'il force pour passer en voix de tête. C'est en fait à la guitare qu'il affirme sa personnalité : une approche rock de son instrument électro-acoustique qu'il attaque au médiator avec nervosité. Ce décalage lui permet de faire le show, à défaut de dévoiler une réelle appropriation de la musique qu'il emprunte.
Seul, assis sur son cajón, un pied sur sa charleston, les paumes de ses mains caressant sa conga, Big Daddy Wilson entonne John the revelator de sa voix profonde et enveloppante. Bienvenue dans une autre dimension. Celle du blues ressenti dans la moindre inflexion, le moindre silence ; ce blues intemporel auquel on finit toujours par revenir s'abreuver en feeling. Avant la fin du morceau, ses musiciens le rejoignent sur scène et lui emboîtent le pas dès le deuxième titre. L'osmose est totale. Derrière lui, un bassiste qui tisse sa toile tout en douceur ; de chaque côté, un guitariste qui redouble d'inventivité et de finesse dans des interventions complémentaires. D'autant plus impressionnant qu'on apprendra par la suite que Roberto Morbioli (g) et Detlef Blanke (b) ne sont pas des membres réguliers du groupe de Wilson. C'est par contre le cas de Michael van Merwyk, alias Big Chief, alias The Bear, dont il faut souligner l'extraordinaire richesse de jeu : une polyvalence et une souplesse exemplaires, à la lap steel comme à la régulière, au médiator comme au pouce. Un véritable orfèvre.
En mettant son dernier album (“Thumb A Ride”, sur Ruf) à l'honneur, Wilson égrène ses compositions personnelles de qualité (Baby don't like, Thumb a ride ou encore le sublime This is how I live), puisant aussi dans ses disques précédents et s'adonnant à quelques reprises en parfaite cohérence avec son soulful blues acoustique (excellente version du Grandma's hands de Bill Withers). Aucun temps mort de la part d'un quartet qui sait captiver son audience en prenant son temps pour faire monter la tension contenue dans les chansons qu'il prolonge et magnifie avec tact. Un set intense et varié, à l'image des diverses percussions que le leader tient à sa disposition. Le tout servi dans des conditions idéales : la salle du Théâtre 13, synonyme d'ambiance intimiste et de son chaud. Un must pour de si enivrantes notes bleues.
Nicolas Teurnier
Photos © Julien Zerr