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Live reports / 18.11.2016

Bay Car Blues Festival

Grande-Synthe est une ville qui gagne à être connue, pas seulement pour savoir accueillir avec humanité les migrants, mais aussi pour la qualité de son festival de blues qui, cette année a encore, gravi quelques degrés en matière de programmation et de fréquentation. Le Palais du Littoral se transforme pour deux jours en salle conviviale et chaleureuse dotée de tables circulaires, chaises et petites chandelles et bordée de stands divers pour public décontracté. Merci à l’organisation et à l’armée de bénévoles. L’éclairage scénique est digne d’un grand festival et le son (volume, contrastes) excellent. Et on apprécie aussi la ponctualité : à 19h30, le présentateur pédagogique est sur les planches.

 


Aki Kumar et Rockin' Johnny Burgin © AJ

 

Rockin’ Johnny Burgin & Aki Kumar. Chicago blues traditionnel. Où nos deux compères, assistés d’une section rythmique française compétente, se montrent académiques et respectueux de maîtres délaissés (Hip Linkchain, Little Smokey Smothers…) qui favorisaient les accords mélodieux subtils. Et le svelte Aki Kumar, Indien de Mumbaï émigré à San Jose, Californie, est parfait en néo Little Walter-Walter Horton. Vocalement, il a fait des progrès depuis sa participation à la tournée Chicago Blues Festival de l'an dernier. Sa connivence avec Rockin' Johnnny Burgin est évidente et apporte un supplément d'âme à leur prestation. 

 


Aki Kumar © AH

 


Aki Kumar et Rockin' Johnny Burgin © AH

 

Miss Nickki & The Memphis Soul Connection. Mon nom est mon programme. Mais quel contraste entre sa voix nuancée, claire, maîtrisée et sans les growls-clichés de Koko Taylor et sa présence scénique : elle en fait des tonnes, jouant à l’entertainer pour tavernes touristiques. C’est dommage. Ses accompagnateurs aquitains la tirent vers le haut avec Florian Royo (guitare flamboyante), Pierre Cherbero (claviers et chœurs), Julien Dubois (basse) et Fabrice Bessouat (batterie) dans un répertoire inhabituel mêlant une version délicate de Miss Celie's blues (Color Purple), Soulful dress (Sugar Pie DeSanto), Misty blue (Dorothy Moore) et même un couplage audacieux et réussi entre Take me to the river et  Like a virgin !

 


Ms Nickki © AJ

 


Ms Nickki © AH

 

Arthur Adams. Le retour. Cet ex-vétéran du house band du club de B.B. King (Memphis et L.A.) et accompagnateur d’innombrables vedettes de soul blues « à l’ancienne » ne veut plus quitter le podium, malgré ses 76 ans et un pas lourd. Voix haute et mélodieuse, solos de guitare en staccatos crescendo, il surprend bien dans un style B.B.King/Bluesway ‘60’s mais peine à s’imposer. En cause des accompagnateurs français qui manquent de répétitions et d’autorité. Chacun joue consciencieusement sa partition mais l’ensemble ne forme pas un orchestre. Peu de dynamique concertée et consensuelle.

 


Arthur Adams © AH

 


Arthur Adams © AJ

 

Egidio « Juke » Ingala. Il s'inscrit dans la lignée de ces quartets californiens des 80's emmenés par des harmonicistes émules de Little Walter via George Smith. A l'impassibilité de ses compagnons (dont Marco Gisgredi, un guitariste sobre et délié), Ingala oppose une exubérance trop facilement taxée de latinité. Car il n'est pas seul dans la profession à faire parfois un peu trop… Il rend hommage à Muddy Waters et Howlin' Wolf et conquiert le public avec une pièce instrumentale où il passe du diatonique au chromatique, du micro Shure à celui de scène, puis à plus de micro du tout pour une descente dans la salle sympathique mais, comme presque toujours, trop longue.

 


Egidio "Juke" Ingala © AJ

 


Egidio Ingala & Marco Gisfredi © AJ

 

The 3 Bob’s. Comme les trois mousquetaires, ils sont quatre (Simon « Shuffle » Boyer, impeccable à la batterie). Le pied ! Çà c’est du blues de Chicago vécu, honoré et salué avec talent ! : Bob Margolin (vo, g), Bob Stroger (vo, b) et Bob Corritore (hca) sont heureux d’être là, de partager et d’improviser, tout en densité, action-détente et complexité.

 


The 3 Bob's : Bob Stroger, Bob Margolin et Bob Corritore © AJ

 


Deux Bob's : Margolin & Corritore © AH

 


Bob Stroger © AJ

 

Quel plaisir de voir et d’entendre ces trois larrons s’associer, se détacher individuellement et se retrouver en véritable blues band, sans se gêner mutuellement ! Pour avoir été à très bonne école, les pères-fondateurs du style peuvent être fiers d’eux et Margolin, un des piliers 70’s du groupe de Muddy Waters, transmet habilement la slide de son mentor. Ah oui, Margolin et Stroger maîtrisent le chant aussi. Après deux  morceaux, la messe est dite et le paradis atteint pour le reste du set. J’exagère ? Combien de fois avez-vous souhaité de tout cœur que le final soit « Got My Mojo Workin’ » C’est rare, non ?!

 


© AH

 


© AH

 


Bob Stroger, Bog Margolin, Bob Corritore & Simon "Bob" Boyer © AJ

 

Mr. Sipp & Terrie Odabi. Un sacré croisement entre gospel mississippien vibrant – l’église, çà vous forme une voix ! – et du B.B. King de ghetto, puissamment soutenus par une jeune section rythmique du cru qui le dynamise, joue entre les lignes claires de guitare, dramatise les effets, répond au chant, déjà doublé par son Epiphone rouge doré… bref, se colle au leader à la perfection sans l’étouffer. Que du contraire : une telle synergie roborative le met en valeur. Son répertoire est exemplatif de la soul blues sudiste contemporaine incarnée par Denise La Salle, ZZ Hill et le label Malaco : du B.B. King pur jus (trop long en solitaire hors scène), quelques ballades et des titres à la bonne humeur contagieuse, prétextes à d’autres solos et des pas de danses concertés.

 


Mr. Sipp © AH

 


Jeff Flanagan (b), Mr. Sipp, Stanley Dixon (dm) © AH


Pas de deux entre Jeff Flanagan et Mr. Sipp © AJ

 

En début de set, après une ouverture théâtralisée, Terrie Obadie n'a disposé que de trois titres pour faire ses preuves. Dommage car I'm a woman ou Ball and chain (bien crédité à Big Mama Thornton) promettaient de beaux prolongements. Elle ne revint même pas pour Rock me baby de rappel.

 


Terrie Odabi & Mr. Sipp Band © AJ

 


Terrie Odabi © AJ

 

Belle programmation éclectique si vous ajoutez les deux groupes invités (Pologne/France) sur la petite scène alternative animant l’entre-deux.

 

Texte : André Hobus et Jacques Périn

Photos © André Hobus et Alain Jacquet