;
Live reports / 04.11.2020

Ayo, Festival de Marne, Fontenay-Sous-Bois

Salle Jacques Brel, 17 octobre 2020.

Il a fallu modifier l’horaire et sacrifier la première partie (confiée à Ian Caufield), mais, grâce à la mobilisation des équipes du Festival de Marne et de Fontenay en Scènes et à la coopération de l’artiste, le concert d’Ayo a pu être maintenu malgré le couvre-feu annoncé la veille. Outre l’horaire inhabituel, les circonstances donnent un caractère particulier au concert, qui se traduit par une forme de ferveur particulière chez le public, visiblement partagée par la chanteuse – qui fondra en larme avant le dernier morceau. 

Discrète depuis quelques années, c’est dans la lignée de la sortie récente d’un nouvel album, “Royal”, qu’Ayo retrouve la scène, et c’est le répertoire de ce disque qui constitue la base de son répertoire du soir, qu’il s’agisse de compositions originales (Rest assured, qui ouvre le concert, Beautiful…) ou de reprises bien choisies comme Fool’s gold emprunté à Lhasa ou Né quelque part, seule excursion francophone de la soirée. C’est une belle version, tout en frisson, de Throw it away, sublime composition d’Abbey Lincoln dont les paroles résonnent très justement en cette période compliquée, qui constitue le sommet du concert. 

Pour l’occasion, Ayo bénéficie de l’accompagnement des musiciens qui ont participé à son album, tous des habitués des scènes françaises et internationales : Frédéric Jacquemin à la batterie, Laurent Vernerey à la basse et Gaël Rakotondrabe au piano, dirigés d’une main discrète mais efficace par le légendaire Freddy Koehla aux guitares et à la mandoline, qui est aussi le producteur du disque. Membre historique de Cookie Dingler (!), guitariste ponctuel de Bob Dylan, ancien résident de La Nouvelle-Orléans où il a collaboré aux albums locaux de Willy DeVille et enregistré, entre autres, avec Zachary Richard, Rockie Charles, Anders Osborne et Ironing Board Sam, et revenu depuis quelques années en France – entre différentes séances de variétés, il a récemment accompagné sur disque et sur scène Hugh Coltman –, Koella est sans aucun doute un des plus brillants guitaristes de la scène française, et la délicatesse de son toucher et sa virtuosité dépourvue de forfanteries est pour beaucoup dans la réussite du concert, d’autant que les autres musiciens – dont il a souvent croisé la groupe, en particulier dans les groupes de Coltman et de Francis Cabrel – sont également brillants. 

Loin de démériter en pareille compagnie, Ayo assure parfaitement sa partie, même si elle est évidemment distraite par moments par le contexte particulier de cette prestation qui, en plus du reste, se déroule au lendemain du tragique assassinat de Samuel Paty. Comme sur l’album, elle renonce en bonne partie aux influences caribéennes qui irriguaient jusqu’ici régulièrement sa musique, au profit d’un son plus intimiste, largement acoustique, et c’est dans cet esprit qu’elle revisite aussi ses titres plus anciens. Si le tube – visiblement très attendu – Down on my knees perd un peu de sa puissance dans cette version plus retenue, le reste s’intègre parfaitement dans cette atmosphère délicate, et c’est une longue ovation qui salue la prestation de la chanteuse et de ces musiciens. 

Ce concert marquait, pour l’auteur de ces lignes, la dernière occasion d’écouter de la musique “live” avant le retour, quelques jours plus tard, d’un confinement dont la durée effective reste incertaine et qui vient renforcer encore les difficultés du monde de la musique dans son ensemble – artistes, techniciens, tourneurs, salles…  Difficile, même pendant la durée du spectacle de faire abstraction de ce contexte. Inutile de dire qu’il nous appartiendra, à nous public, d’assurer notre soutien (y compris et particulièrement financier), dès que cela sera possible “pour de vrai”, à l’ensemble des acteurs de cette filière, qui contribuent à ce que la musique qui nous passionne reste vivante. 

Texte : Frédéric Adrian
Photos © Quentinprod Photos

AyofestivalFrédéric AdrianQuentinprod Photos