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Live reports / 23.09.2016

ANTHONY JOSEPH

Absent des scènes parisiennes depuis quelque temps, Anthony Joseph (évoqué longuement dans notre numéro d’été) faisait sa rentrée au New Morning, une occasion de présenter en public le répertoire de son tout récent “Caribbean Roots”.

En ouverture, le son brésilien de Samba Com Polo, en format duo guitare-chant, est un peu léger pour attirer l’attention d’un public venu pour des musiques un peu plus nourrissantes, même avec le renfort ponctuel de l’immense Roger Raspail aux percussions.

Changement de registre dès l’arrivée sur scène de l’orchestre d’Anthony Joseph, renforcé pour l’occasion par les claviers du toujours pertinent Florian Pellissier.  Puissance tellurique d’une rythmique tricéphale (Roger Raspail aux percussions, Eddie Hick à la batterie, le fidèle Andrew John à la basse),  riffs tranchants de Christian Arcucci à la guitare (un ancien du Spasm Band, la formation précédente de Joseph) et intensité des saxophones de l’extraordinaire Jason Yarde – entendu entre autres avec Incognito, Keziah Jones, Soweto Kinch, Orlando Julius… – , qui semble convoquer dans son jeu l’esprit d’Albert Ayler et de Roland Kirk (qu’il émule d’ailleurs en jouant ponctuellement de deux saxophones en même temps), on est en présence de l’un des meilleurs groupes du moment, qui se met au service de la musique et des mots de son leader. Celui-ci en retour lui confère de larges marges d’indépendance créative, permettant aux morceaux d’explorer des dimensions différentes de celles du disque.

Le résultat est une prestation d’une puissance exceptionnelle. Si le répertoire pioche exclusivement dans “Caribbean Roots”, la diversité des approches selon les morceaux évite toute impression de lassitude, passant de l’inspiration à la Marvin Gaye de Our history – sur lequel Joseph se laisse presque aller à chanter – au jazz spirituel hypnotique de Carribean roots, en passant par la délicatesse de l’hommage au batteur Courtney Jones, qui devait participer au disque mais est décédé juste avant, sur Powerful peace.  En invité de luxe, Andy Narell – le grand spécialiste des steel drums, entendu sur une quinzaine d’albums sous son nom et aux côtés de Taj Mahal, Patti LaBelle, Aretha Franklin, Marcus Miller et bien d’autres – apporte la touche particulière de son instrument fétiche sur plusieurs titres, dont une superbe version de Neckbone. La présence scénique charismatique de Joseph – qui ressemble de plus en plus à Isaac Hayes ! – renforce l’impact de sa musique et de ses mots.

Alors qu’Anthony Joseph se prépare à défendre sur les scènes de France son nouvel album, il confirme ici qu’il est sans doute un des artistes les plus passionnants du moment et mérite d’être suivi avec attention.

Frédéric Adrian