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Brèves / 03.01.2013

Wild south

Déjà multirécompensé en attendant les Oscars le 24 février prochain, désigné par Barack Obama comme l’un des trois meilleurs films de l’année, Les bêtes du sud sauvage (Beasts of the Southern Wild) est donc sorti dans nos salles le 12 décembre. Mais de quoi s’agit-il ? Du premier film du réalisateur Benh Zeitlin, né à New York en 1982 mais résident louisianais depuis 2006. De l’histoire de Hushpuppy Doucet (Quvenzhané Wallis), 6 ans, née de mère inconnue, de son père Wink (Dwight Henry), alcoolo et cardiaque, membres d’un phalanstère baroque qui divaguent dans un bayou glauque où guette la fin annoncée d’un monde. En l’occurrence un déluge dû à la fonte de la banquise (qui libère une horde d’aurochs), et que les locaux enrayent en faisant sauter la digue à l’aide de la dépouille d’un alligator bourrée d’explosifs !

Avant cela, le début du film est proprement ébouriffant, mais autant le dire tout de suite, le rythme retombe ensuite un peu. Toutefois, en filmant à l’épaule des scènes qui peuvent apparaître décousues, Zeitlin nous saisit et nous fait partager la vie effectivement sauvage et surtout intense de ses déracinés qui ne font pourtant que s’empêtrer dans leur bourbier.  Il filme le laid comme l’éthylisme du père, la gamine qui rote et la ripaille en groupe (« Beast it, beast it, beast it ! » hurlent-ils à Hushpuppy pour qu’elle dévore son crabe comme une « sauvage »), il filme le beau comme cette quête d’une mère dont le père dit qu’elle « est si belle que son passage suffit à faire bouillir l’eau dans les casseroles… » Mine de rien, on n’en sort pas intact car il fouille et retourne le tréfonds de l’âme humaine. Car Zeitlin filme surtout le vrai. Dans toute son urgence. Et le laid, le beau et la poésie finissent par se confondre. Ici, l’onirisme est cru et l’ode funambulesque. Car le réalisateur évolue en permanence sur un fil, il captive avec des moyens d’évidence limités et sans effets spéciaux. Même les aurochs (mais que viennent bien faire là ces rescapés de la préhistoire ?) ne sont pas issus d’images de synthèse, ce sont bien des suidés déguisés et affublés de cornes sans doute censées rappeler leurs origines… bovines ! Où bien faut-il voir en ces curieux hybrides un chaînon manquant ?

Quant aux acteurs, évidemment amateurs, ils n’ont pas eu à se forcer pour incarner leurs personnages avec naturel. Quvenzhané Wallis, née à Houma en plein bayou, avait 2 ans quand Katrina a ravagé la région. Pour sa part, et la coïncidence est étonnante, Dwight Henry, boulanger à La Nouvelle-Orléans, avait également 2 ans quand un autre ouragan, Betsy, avait déjà durement frappé la ville en 1965… Enfin, la musique signée Dan Romer est également excellente et bien entendu dans l’esprit du film.
Daniel Léon