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Hommages / 16.02.2019

Wes Mackey, 1942-2019

Incroyable série… On apprend la mort hier 15 février 2019 de Wes Mackey, à l’âge de 76 ans. Encore une fois, rien ne laissait présager cette triste nouvelle, Mackey continuait de se produire régulièrement, une tournée européenne était prévue au mois d’avril et il était même programmé au Blues Rules Festival de Crissier, en Suisse, en mai prochain… Mackey jouissait d’ailleurs d’une belle popularité de ce côté de l’Atlantique et plus particulièrement en France. Ainsi, par exemple, dans le cadre du festival des Alpilles, la ville de Lamanon (Bouches-du-Rhône) l’avait fait citoyen d’honneur, et il composa une chanson pour l’occasion (Full moon in Lamanon)… Et quand il tournait chez nous, ce qui était courant, il s’accompagnait des meilleurs musiciens de l’Hexagone, dont l’harmoniciste Vincent Bucher et le batteur Simon Boyer lors de sa visite mémorable fin 2017.

 


© DR / Wes Mackey Collection

 

Né le 12 décembre 1942 à Yemassee en Caroline du Sud sur une plantation de coton du nom de Combahee, Mackey est issu d’une fratrie de cinq enfants. Il a grandi dans une ferme proche à Big Estate, et son père à la fois pêcheur et pasteur l’a initié au chant à l’église. Grâce au gramophone de la maison, il apprend le blues et la guitare vers l’âge de 10 ans, mais cette région rurale et reculée offre peu d’emplois, et encore moins pour un apprenti musicien. Son enfance n’est pas facile, sa mère malade (elle décédera en 1959) laisse toutes les charges à son père. Toujours en 1959, Mackey prend donc la route d’Augusta, deuxième plus grande ville de Géorgie. Il s’y produit sans attendre, et son premier concert lui rapporte 50 cents et un sandwich au poulet ! Sur une scène musicale bien plus développée, il côtoie des artistes notables et parvient même à jouer ponctuellement avec Muddy Waters, Jimmy Reed, John Lee Hooker, Rufus Thomas, Martha Reeves… Comme il le dira honnêtement, il n’a pas enregistré avec ces artistes (il les rejoignait quand ils tournaient dans sa région), mais ces expériences alimenteront ensuite ses textes autobiographiques qui seront une de ses marques de fabrique…

 


En 1969. © DR / Wes Mackey Collection

 

Puis, en 1967, il découvre le Canada lors d’une tournée, constate que la ségrégation n’existe pas comme aux États-Unis et que l’accueil des musiciens est bien meilleur. En 1971, il s’installe à Halifax où il se marie. Enthousiaste et boulimique, il commence à écumer les clubs de la région, mais il doit divorcer et connaît quelques années sombres durant lesquelles il cherche à se débarrasser de son addiction à l’alcool. Mais Mackey renaît de ses cendres… Bien qu’il n’enregistre toujours pas, il ne renonce pas, et, infatigable, il repart sur la route en arpentant la côte ouest du Canada (il se fixera finalement plus tard à Vancouver). En attendant, à partir des années 1980, il visite cette fois le monde entier. Il expliquera souvent sa fierté de faire découvrir le blues aux clients des plus grands hôtels en Malaisie et à Hong Kong, ou des paquebots de croisière…

 


Milieu des années 1980. © DR / Wes Mackey Collection

 


© DR / Wes Mackey Collection

 

Ces années ne l’apaisent pourtant pas, d’autant qu’elles continuent de favoriser certains excès, et sa famille lui manque. Mais en reprenant progressivement contact avec ses enfants, il cesse également de boire et de fumer et s’installe donc à Vancouver qu’il ne quittera plus. Doté d’une belle voix grainée et puissante, guitariste économique mais très incisif et compositeur avisé, Wes Mackey était en outre spectaculaire sur scène car il s’accompagnait d’un pédalier-basse (pedal bass), autrement dit il jouait de la basse avec les pieds ! Aimant communiquer avec le public, il était capable du blues le plus terrien que n’auraient pas renié Muddy Waters et John Lee Hooker, mais ses textes personnels font aussi son originalité.

 


2009. © Brigitte Charvolin

 


2009. © Brigitte Charvolin

 

Il dit avoir sorti un disque en 1994, “Blues Man”, qui ne semble toutefois pas avoir été édité, et il s’est en réalité fait connaître sur le tard, dans les années 2000 avec quatre CD de belle facture : “Second Chance” (2005), “Mr. Blues” (2006), “Beyond Words” (2009) et “Life Is A Journey” (2013), auquel il faut ajouter “Back To The Shack – Retro Collection” (2017), une rétrospective de ces précédents albums.

À lire absolument : l’article de Georges Lemaire consacré à Wes Mackey dans le numéro 192 de Soul Bag, dont je me suis inspiré pour la rédaction de ce texte.

Daniel Léon

 


Jazz Club Étoile, Paris, 2017. © J-M Rock'n'Blues

 


© DR / Wes Mackey Collection