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Brèves / 12.07.2013

Vienne s’offre un festival à quatre mains

Mercredi 10 juillet 2013, jour du piano. Et notre dernière soirée viennoise débute avec Ahmad Jamal, qui a la lourde tâche de remplacer Sonny Rollins souffrant. Mais le pianiste de 83 ans est aussi un géant du jazz et le challenge l’effraie d’autant moins que le public lui réserve un accueil chaleureux. Comme souvent en quartet avec contrebasse, batterie et percussions, Jamal distille toujours son jeu faussement déroutant et tellement riche, frappant son clavier comme pour le martyriser avant de laisser ses deux mains virevolter et même voler sur les touches pour d’incroyables volutes de notes élégantes et suaves (Blue moon, Gipsy, Autumn rain…). Tous les musiciens se retirent au bout d’une heure, remplacés par une autre véritable légende, Yusef Lateef, qui du haut de ses presque 93 ans (le 9 octobre prochain) n’a besoin de personne pour installer sa grande carcasse sur la scène. D’un long regard pénétrant, il jauge l’assistance puis se saisit d’étranges flûtes desquelles il tire des sons tout aussi insolites, faits de bruitages et de cris gutturaux, comme s’il conversait avec la nature. Et quand Jamal et son groupe reviennent l’entourer, si les intruments changent entre les lèvres de Lateef (flûte traversière, saxophone), rien ne semble en mesure de troubler l’émouvante psalmodie du vieux jazzman par ailleurs toujours capable de chanter (Brother hold your light). Rien, si ce n’est la pluie qui s’abat soudainement et se transforme vite en un de ces orages violents sans lesquels Vienne ne serait pas Vienne… Mais le ciel a le bon goût de se calmer durant le changement de plateau, avec pour seule conséquence un dizaine de minutes de retard au programme. Le piano reste ensuite à l’honneur avec Chucho Valdés mais le registre change évidemment radicalement avec le maître de la musique cubaine. Habituellement, l’attention est fréquemment captée par les percussions très présentes dans ce style, mais au sein de ces Afro Cuban Messengers franchement jazzy, on remarque également le dynamisme du batteur Rodney Barreto et surtout la versatilité et la finesse du contrebassiste Gaston Joya (avec ou sans archet), qui ne lâche pour ainsi dire jamais son leader (maximo !) des yeux… Le jeu de piano de Valdés se joue des tempos et tutoie parfois le classique, tantôt habité d’un groove incessant ou tout en grâce quand il rend hommage à son père Bebo décédé le printemps dernier. En milieu de set, Buika nous offre une courte mais belle parenthèse : comme nombre de chanteuses hispanophones, sa voix a un voile grainé mais elle y ajoute une puissance assez phénomènale. En tout cas, notre ultime soirée pour cette édition 2013, très variée bien que centrée autout du piano, s’inscrit parmi les réussites d’un séjour largement positif. Et rendez-vous la semaine prochaine dans notre rubrique « Live reports » pour un compte-rendu détaillé !
Daniel Léon