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Brèves / 23.08.2016

Toots Thielemans, mort d’un roi des Belges

Certes étroitement lié au monde du jazz, Toots Thielemans faisait partie de ces artistes dont l’influence se joue des genres comme des frontières. Immense harmoniciste, mais aussi guitariste et « siffleur » émérite, il s’est donc éteint hier 22 août 2016 à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans. Né Jean-Baptiste Frédéric Isidore Thielemans à Bruxelles le 29 avril 1922 – en 2001, le roi Albert II de Belgique lui a donné le titre de baron –, il baigne dans le jazz dès sa tendre enfance. Il découvre d’abord l’accordéon avant d’apprendre l’harmonica somme toute assez tardivement, à dix-sept ans, puis la guitare. Après la Seconde Guerre mondiale, son nom complet étant bien trop long, il est surnommé Toots, un diminutif affectueux… Après une tournée aux États-Unis, il entre véritablement dans la « cour des grands » en 1950 quand il rejoint Bennie Goodman. Ses collaborations au fil des décennies avec des artistes de la stature de Charlie Parker – il vit outre-Atlantique une bonne partie des années 1950 –, Roy Eldridge, Miles Davis, Dinah Washington, Charlie Haden, Ella Fitzgerald, Ray Charles, Quincy Jones, Billy Eckstine, Jaco Pastorius, Pat Metheny, etc., mais aussi Frank Sinatra, John Lennon ou Paul Simon, en font un des musiciens les plus célèbres du siècle dernier, et surtout l’un des plus demandés. Ses mélodies à l’harmonica rendent également immédiatement reconnaissables les bandes originales de nombreux films notables dont Midnight cowboy de John Schlesinger (1969), Guet-apens (The getaway) de Sam Peckinpah (1972), Sugarland express, premier film de Steven Spielberg (1974), Jean de Florette de Claude Berri (1986)… Thielemans est resté actif jusqu’à un âge avancé, ne prenant sa « retraite » qu’en 2014, à quatre-vingt-douze ans. L’harmonica est plutôt rare dans le jazz. Sans Toots Thielemans, il serait resté mineur. Le Belge est devenu son plus bel ambassadeur et même son roi, il en a fait un instrument majeur pour lui donner une dimension et une portée internationales qui resteront sans doute inégalées. Un grand merci à l’ami journaliste et photographe Pascal Kober, auquel nous empruntons le portrait qui illustre cette news, et qui a rencontré Toots Thielemans en 1994 lors de Jazz à Vienne pour une interview irrésistible (publiée l’année suivante dans le numéro 519 de Jazz Hot). Mais il convient aussi de saluer ce roi des Belges en musique. Et pour ça, quoi de mieux qu’un blues (You’re my blues machine) ?
Daniel Léon