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Live reports / 21.04.2023

Thee Sacred Souls + Jalen N’Gonda, Trabendo, Paris

13 avril 2023.

Il se passe quelque chose autour de Thee Sacred Souls : moins de six mois après leurs premières dates françaises (Soul Bag y était, évidemment : soulbag.fr), c’est un Trabendo plein à craquer d’un public – plutôt jeune et largement féminin – à la ferveur contagieuse qui attend le trio de San Diego, au point que certains spectateurs faisaient la queue devant l’entrée de la salle plus de deux heures avant l’ouverture des portes…

Difficile, en attendant les vedettes de la soirée, d’imaginer que la silhouette discrète – hoodie et bob – qui arrive sous les projecteurs à 20 heures pile est celle d’une des plus grandes promesses de la scène soul du moment. Il suffit pourtant à Jalen N’Gonda d’ouvrir la bouche pour accrocher l’attention, tant sa voix – à mi-chemin entre Ted Taylor pour le registre et Marvin Gaye pour le phrasé, s’il faut résumer – est remarquable. 

Pendant 45 minutes, seul à la guitare, il présente les chansons de son album à venir, de Come around and see me à If you don’t want my love. L’exercice n’est pas évident, même si une partie au moins du public semble familier de certaines chansons, comme Just like you used to, sortie en single à la rentrée 2022, d’autant que N’Gonda doit interpréter en solo des chansons qui bénéficient sur disque d’arrangements luxueux. Sans doute pour faciliter l’accès à sa musique, il inclut quelques reprises dans son set. Certaines sont des réussites, comme le My dearest darling d’Etta James ou le Just be true to me écrit par Curtis Mayfield pour Gene Chandler, mais d’autres tombent un peu à côté : impossible, même avec la meilleure intention du monde, d’apporter quoi que ce soit de neuf à My funny valentine ou à Baby what you want me to do !

Jalen N’Gonda

N’Gonda dispose de toute façon d’un répertoire original suffisamment puissant pour se dispenser de ces facilités, avec des chansons marquantes dès la première écoute, comme la balade It takes a fool ou That’s all I wanted from you, même en l’absence d’un groupe pour en renforcer la profondeur, qui évoque le travail d’un Thom Bell avec les Stylistics… L’enthousiasme du public est immédiat et durable, et il aurait pu sans difficulté faire un rappel. Déjà annoncé dans quelques festivals d’été, N’Gonda ne devrait par tarder à se faire un nom – et Soul Bag vous en parlera bientôt plus en détail !

À peine le temps d’un petit quart d’heure d’entracte, et c’est au tour de Thee Sacred Souls de faire son apparition sur scène. Le trio de base – le chanteur Josh Lane, les multi-instrumentistes Alex Garcia et Sal Samano – accompagné de musiciens qui ont participé à l’album – la choriste Tatiana Sandate, le multi-instrumentiste Shay Stulz, le clavier Riley Dunn – auxquels s’ajoute la chanteuse Astyn Turrentine qui remplace, par rapport à la tournée précédente et au disque, Jensine Benitez. 

Les premiers mots chantés par Josh Lane, « I love you girl », définissent bien l’esprit de la soirée : une célébration de l’amour romantique ! De Overflowing, qui ouvre le concert, au tube Can I call you Rose?, qui fait office de dernier rappel, c’est le répertoire du groupe, emprunté à l’album mais aussi aux différents singles parus depuis 2020 (y compris les récents Running away et For now), qui constitue le cœur du concert. Une large partie du public est évidemment très familière avec les différentes chansons, et des cris de joie accueillent une bonne partie d’entre elles (Easier said than done, Lady love, présentée comme une chanson sur les « deuxièmes chances », et Will I see you again?, sortir uniquement en single). 

Alex Garcia, Josh Lane, Sal Samano
Alex Garcia, Sal Samano, Astyn Turrentine
Alex Garcia
Astyn Turrentine
Riley Dunn, Josh Lane

Astyn Turrentine, Tatiana Sandate
Josh Lane, Shay Stulz
Shay Stulz, Alex Garcia, Sal Samano
Josh Lane, Astyn Turrentine, Tatiana Sandate

Leader charismatique et naturel, Josh Lane arpente la scène de long en large, plonge dans le public – même si le fait qu’il ait oublié son micro sans fil lui interdit d’aller bien loin –, monte sur les amplis et, surtout, charme le public de ses interventions visiblement bien rodées, demandant par exemple une lumière bleue sur la scène pour For now ou rouge pour Trade of hearts, dédiée à Paris, la « city of romance »… 

S’il se fait plus grave le temps de Sorrow for tomorrow, dédié à un cousin décédé dans un accident de voiture, son enthousiasme et son charisme lui permettent d’aider le public à se sentir « happy and well », pour reprendre le titre de ce qu’il présente comme sa chanson préférée. Pendant ce temps-là, l’orchestre et les choristes assurent un soutien sans faille, qui leur permet de reconstituer ou d’évoquer la richesse des arrangements du disque, les incessants changements d’instruments entre Alex Garcia, Sal Samano et Shay Stulz se déroulant en toute discrétion et afin de servir au mieux chaque chanson. Deux reprises d’obscurités soul – I really really love you des Father’s Children et Someone to fulfill my needs des Moovers –, toutes deux empruntées à des anthologies de la série Eccentric Soul de chez Numero Records, viennent confirmer l’ancrage du groupe dans l’histoire de la “sweet soul” et apporter un bonus non négligeable au programme de la soirée. 

Quand le groupe quitte la scène après une heure de show, c’est évidemment trop court, et le rappel est réclamé avec beaucoup d’instance… Sans grand suspens, le groupe revient pour trois titres : le single récent Futur lover, précédé d’un petit speech sur les cœurs brisés, It’s our love, paru en face B du 45-tours Will I see you again?, et enfin la chanson dont la sortie il y a trois ans a tout déclenché, Can I call you Rose?, reprise en chœur par un public qui l’attendait depuis le début du concert ! La fin du show ne met pas tout à fait un terme à l’euphorie dont semblent atteints la plupart des spectateurs, qui sont portés tout au long du trajet vers la sortie et vers le métro par les bonnes vibrations envoyées par le groupe.

Après des années un peu hésitantes, le pari de Daptone de se tourner, par le biais de sa filiale Penrose, vers une soul plus sophistiquée que son registre historique est gagné, et Thee Sacred Souls pourrait bien acquérir, dans le cœur des amateurs de soul et au-delà, une place aussi importante que celle qu’occupait et qu’occupe encore la regrettée Sharon Jones.

Texte : Frédéric Adrian
Photos © Fouadoulicious

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