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Live reports / 25.03.2019

The Revolution

La Cigale, Paris 18e, 11 février 2019.

Quelques mois après la débâcle de l’hommage symphonique officiel, la nostalgie et le porte-monnaie des orphelins de Prince étaient à nouveau sollicités par la première venue depuis leur reformation de The Revolution. Pas de problème de légitimité cette fois-ci (ce qui n’empêche pas quelques débats animés sur les sites de fans) : chacun des cinq musiciens présents sur scène – le batteur Bobby Z, les claviers Matt Fink et Lisa Coleman, le bassiste Brown Mark et la guitariste Wendy Melvoin – ont constitué l’orchestre de base du Kid de Minneapolis au cœur de ce qui était sans doute les années les plus créatives de sa carrière, dans la première moitié des années 1980, et les deux premiers cités ont rejoint son groupe dès 1979…

La première partie est assurée, à coup de grosses ficelles efficaces, par un DJ, Loran, rejoint ponctuellement sur scène par l’historique Sidney, mais leur présence n’est pas nécessaire pour faire chauffer l’ambiance, tant les fans présents, dont certains ont fait la queue plusieurs heures avant l’ouverture des portes, sont motivés, et c’est une immense clameur qui accueille le groupe sur scène.

Comme un symbole, c’est avec America, un titre co-écrit par Prince avec The Revolution, que le concert débute. Sans surprise, le répertoire puise exclusivement dans les quatre albums enregistrés par le groupe avec Prince, de “1999” à “Parade”, avec un accent marqué – et logique – sur les tubes : sur les 17 singles extraits de ces albums, seuls cinq ne font pas partie du programme ! Aux classiques évidents – KissRaspeberry beret, Let’s go crazy… – s’ajoutent quelques titres cultes bien choisis comme Computer blue ou Controversy. Musicalement, indépendamment des éventuelles faiblesses individuelles (Bobby Z n’a jamais été un batteur exceptionnel), le son renvoie effectivement aux grandes heures du Prince des années 1980 : impossible de résister aux claviers post-worrelliens de Matt Fink ou aux pulsations de la basse de Brown Mark.

Mais l’héroïne incontestable de l’ensemble est Wendy Melvoin, éblouissante aussi bien dans ses cocottes rythmiques que dans ses éruptions solistes. Reste néanmoins une faiblesse majeure : celle du chant. Faisant fonction de leader de l’ensemble, Melvoin est une chanteuse limitée, pour ne pas dire plus, et même l’assistance régulière de Brown Mark – et le soutien d’un public qui ne demande qu’à chanter – ne suffit pas à lui permettre de s’attaquer de façon correcte à un titre comme Take me with you. Stokley Williams, chanteur de Mint Condition, rejoint ponctuellement le groupe, et il aurait sans doute été plus raisonnable de lui laisser assurer l’ensemble des parties vocales.

Qu’importe, cependant, ces quelques faiblesses, qu’importe aussi quelques éléments “oldies” pas vraiment nécessaires (comme le costume médical du bon docteur Fink ou la reprise du speech « Dearly beloved ») ou l’émotion un peu téléphonée de Wendy Melvoin sur un Sometimes it snows in april prévisible, en duo acoustique avec le piano de Lisa Coleman : le résultat est, pour l’ensemble du public présent, un grand moment de musique et de communion, autour d’un grand absent dont Wendy Melvoin évoque la mémoire au cours d’un speech qui vise à expliquer la démarche du groupe et à l’issue duquel elle promet un retour rapide. Retentissent les premières notes – jouées comme sur la version originale par Melvoin – d’un Purple rain repris en chœur et en cœur par la foule… Après un rappel bref mais efficace – un medley I would die for u / Baby I’m a star –, il faudra de longues minutes pour que les musiciens puissent quitter la scène sous les acclamations d’un public aux anges qui convainc même Wendy Melvoin de revenir brièvement au micro pour quelques secondes de Around the world in a day

Au-delà des interrogations de certains sur les motivations d’une telle reformation post-mortem – le groupe n’a jamais rejoué au complet avec Prince après 1986, et les relations interpersonnelles ont parfois été difficiles –, un beau moment de musique, à la hauteur de celui qui en est à l’origine, et qui mériterait de tourner largement en Europe comme il le fait aux États-Unis.

Texte : Frédéric Adrian
Photos : Frédéric Ragot

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