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Live reports / 19.08.2019

The Jacksons, Jazz In Marciac

10 août 2019.

C’était peut-être trop demander. De penser que les Jacksons pouvaient survivre à Michael. L’hommage était pourtant sincère, du moins on l’espère, cette nouvelle tournée coïncidant avec les dix ans de la disparition du roi de la pop. L’occasion également de fêter le demi-siècle de carrière d’une fratrie ultra-douée, débutée en 1969 chez Motown sous le regard bienveillant de Diana Ross. De cette époque bénie, il ne reste aujourd’hui que des souvenirs, pour les plus anciens, des disques à l’exigence musicale intacte, et des vidéos compilées sur YouTube, pour les plus jeunes. Une époque exhumée à travers de petits films diffusés sur les deux écrans géants disposés de part et d’autre de la scène principale de Jazz In Marciac. Ce concert, très attendu, devait d’ailleurs être l’épilogue réussi et inédit d’une édition 2019 à la programmation un peu ronronnante. Il aura finalement déçu. Dans les grandes largeurs.

C’était peut-être trop compliqué. D’avoir le coffre suffisant, passé la soixantaine, pour un répertoire aussi énergivore. Si bien que durant la petite heure d’un show en pente douce dévalée tout schuss (un seul rappel, Wanna be startin’ somethin‘, et puis rideau), quasiment aucun morceau n’a été chanté avec justesse par les quatre frères, obligés de changer la tonalité – et très souvent le tempo – des partitions d’origine. Car comment rivaliser vocalement avec Michael ? Un enchaînement de fausses notes, de mollesse et de moments gênants symbolisés par Jermaine, lead singer à la peine, particulièrement sur les couplets syncopés de Lovely one, massacré sans ménagement.

Derrière lui, le groupe, plus supporting cast qu’autre chose, n’a rien pu faire malgré la présence du surpuissant batteur Stacey Lamont Sydnor. Bons camarades, Marlon (le plus en forme) et Jackie ont bien tenté de prendre le relais, en force, sur Rock with you notamment. Sans plus de succès. Heureusement pour eux, la balance – catastrophique – a au moins eu le mérite de préserver les oreilles des spectateurs, certaines parties vocales étant tout bonnement inaudibles, étouffées par un brouhaha de musique où les cuivres sont remplacés par des synthés (il n’y a pas de petites économies), faisant passer les motifs de Blame it on the boogie pour des sirènes de pompiers. Bien inutiles au demeurant puisqu’il n’y avait aucun départ de feu à éteindre dans la salle. 

L’ambiance était même glaciale, et les esquimaux tout choco vendus avant le concert n’y étaient pour rien. La faute surtout à une disposition étrange du public : pas de fosse, uniquement des places assises, empêchant au passage les photographes accrédités de se lever – consigne de l’organisation – pour ne pas déranger spectateurs et invités du premier rang, qui n’en demandaient pas tant. Pour remuer librement, deux options : se tasser sur les côtés du parcage, derrière des barrières métalliques, ou bien rester debout en fond de chapiteau, et perdre en visibilité. L’esprit festival… Il aura fallu attendre la fin du set pour qu’une version XXL de Shake your body puisse enfin remplir sa mission : faire lever les foules. Une bénédiction.

Jermaine Jackson
Jackie et Marlon Jackson
Jackie Jackson
Jackie Jackson
Jermaine Jackson
Tito Jackson
Jermaine Jackson

C’était peut-être trop, tout simplement. De tenir la distance, et multiplier les pas de danse. Tenues strass et chemise blanche : l’hommage rendu à Michael Jackson par ses frères était surtout vestimentaire, même si les chorégraphies soutenues de Marlon, entre position christique et toupie, auront au moins eu le mérite de célébrer la mémoire du seul membre originel des Jackson 5 “absent” ce soir-là. Hélas, ce n’est pas le traditionnel medley repris dans l’ordre identique (I want you back / ABC / The love you save me) qui aurait pu le ressusciter. Mouvements au ralenti pour le quatuor, et regard dans le vide chez Tito, jadis excellent guitariste, mais dont le jeu s’est considérablement appauvri avec le poids des ans. Résultat : la moitié des notes jouées (ou oubliées) sur le solo de This Place Hotel. Quant à We made it, extrait de son premier album solo à paraître prochainement (il est le seul membre des Jacksons à ne pas avoir encore franchi le pas), l’offrande faite à Marciac n’en valait pas la peine : couplets guimauve, refrain trop sucré et pop sans gourmandise. Pour le groove, regardez vers le passé. Définitivement passé.

Texte : Mathieu Bellisario
Photos © Anna Carbonnel

Setlist :
Can you feel it
Blame it on the boogie
Rock with you
Enjoy yourself
Show you the way to go
Lovely one
Medley (I want you back / ABC / The love you save me)
Dancing machine
Never can say goodbye
I’ll be there
We made it
Can’t let her get away
This Place Hotel
Shake your body (Down to the ground)

Rappel : Wanna be startin’ somethin’ 

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