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Brèves / 06.12.2011

Sumlin rejoint le Wolf

35 ans. C’est le temps qu’il aura fallu attendre pour que le génial guitariste Hubert Sumlin rejoigne au paradis des bluesmen Howlin’ Wolf (1910-1976), son leader durant plus de 20 ans. Car ce 4 décembre 2011, à Wayne dans le New Jersey, Sumlin s’est éteint des suites d’une attaque cardiaque, peu après avoir fêté ses 80 ans. Sur scène et guitare en mains, évidemment… Né le 16 novembre 1931 à Greenwood (Mississippi), il gagne Hughes (Arkansas) à l’âge de 8 ans. Probablement à cette même époque, après avoir appris les rudiments avec un de ses frères qui s’est confectionné une sorte de diddley bow, il convainc sa mère de lui acheter une vraie guitare. Il a seulement 10 ans lorsque survient sa première rencontre avec Howlin’ Wolf, selon un scénario certes archiconnu mais tellement savoureux qu’il mérite d’être conté une nouvelle fois. Alors qu’il regarde depuis l’extérieur d’un juke joint le concert du Wolf, le gamin se débrouille pour tomber par la fenêtre… en plein sur la scène ! Malgré le propriétaire qui voit d’un mauvais œil la présence d’un mineur dans son établissement, Howlin’ Wolf obtient qu’il reste, puis le raccompagne chez lui après le show tout en recommandant à sa mère de ne pas le gronder… Nourri notamment des sonorités de Charlie Patton, Son House, Lonnie Johnson et autre Blind Lemon Jefferson, Sumlin joue de la guitare à l’église puis côtoie l’harmoniciste James Cotton, avec lequel il tourne un temps localement. La suite appartient à l’histoire. En 1953, Sumlin décide avec Cotton de s’installer à Chicago pour faire carrière. L’année suivante, c’est en musicien désormais accompli qu’il retrouve Howlin’ Wolf, débutant en 1955 une collaboration fructueuse qui va durer 21 ans, seulement interrompue par une parenthèse d’un an avec Muddy Waters en 1956. Et d’emblée, Hubert Sumlin impose un jeu de guitare hautement personnel, instinctif et surtout d’une justesse rare. En solo comme en rythmique, avec un feeling imparable, il soutient, il souligne, il relance derrière la voix et l’harmonica du Wolf, alternant des notes lancinantes et expressives avec des riffs appuyés, des glissandos avec des chorus incisifs et vibrants qui ont fait sa marque. Toutes ces caractéristiques s’expriment sur des classiques du blues d’alors, de Spoonful à Shake it for me, en passant par Smokestack lighning, Killing floor, Three hundred pounds of joy, Louise, etc. Avec Sumlin, bien que déjà excellent en soi, le blues de Howlin’ Wolf trouve la lumière. En 1964, le guitariste participe à la tournée de l’American Folk Blues Festival et en profite pour graver en Allemagne quelques faces sous son nom (réunies sur le LP Amiga « American Folk Blues »), avec le pianiste Sunnyland Slim, le contrebassiste Willie Dixon et le batteur Clifton James. En 2002, dans notre numéro 167, il nous expliquait avec émotion et ironie que ce premier contrat payé cash (en marks !) lui avait permis d’acheter des cadeaux pour ces proches. Après la mort du Wolf en 1976, il continue son parcours avec les autres membres de la formation. À partir de 1980, Sumlin entame une carrière solo mais sa discographie très inégale sera loin d’atteindre le niveau des années passées avec Howlin’ Wolf. En effet, limité au chant et surtout incapable de s’imposer en leader, il ne laisse rien de vraiment mémorable, le meilleur de sa production étant peut-être son dernier CD paru en 2004 chez Tone Cool, « About Them Shoes ». Cette même année, alors qu’il souffrait de problèmes respiratoires depuis environ deux ans, il subit l’ablation d’un poumon mais il ne cesse pas ses activités. Car, selon une routine connue, comme nombre de bluesmen influents en fin de parcours, Hubert Sumlin se doit de multiplier les apparitions, adulé qu’il est par des « stars » de la pop et du rock. Mais comme il faut bien le rappeler de temps à autre, et même si certains mènent ponctuellement des actions louables (ainsi Keith Richards, qui contribua aux frais médicaux de Sumlin), ces derniers ont d’abord été opportunistes avant d’être reconnaissants.

Daniel Léon