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Hommages / 16.12.2021

Sonny Rhodes (1940-2021)

Longtemps indissociable de son turban à la Chick Willis – auquel il renonce dans le climat de paranoïa post-11 septembre –, Sonny Rhodes a connu une carrière longue et prolifique, sans jamais obtenir une notoriété dépassant le cercle des amateurs de blues, peut-être faute d’avoir publié un disque particulièrement marquant. 

Né à Smithville, au Texas, orphelin quelques mois après sa naissance, c’est grâce à une guitare offerte lors d’un Noël de son enfance que Clarence Smith découvre la musique. Il ne tarde pas à se produire localement, jusqu’à Austin, et accompagne à la basse les vedettes locales comme Freddie King et Albert Collins. Après des études à la Texas Southern University de Houston et un séjour dans l’armée, il fonde son propre groupe, les Daylighters, qui publie en 1961 un single sur le label Domino, plutôt orienté d’habitude vers le rockabilly.

Installé en Californie au début des années 1960, où L.C. Robinson l’initie à la guitare lap steel, il sort un premier disque sous son nom pour le microlabel de San Francisco Bose en 1964, puis signe avec Galaxy qui publie en 1966 le 45-tours All night long they play the blues suivi de deux autres singles pour lesquels il adopte le pseudonyme de Sonny Rhodes, qu’il conservera pour la suite de sa carrière. Ces disques ne connaissent qu’un retentissement local, mais Rhodes est désormais bien installé sur la scène californienne, et il grave ponctuellement quelques faces pour des labels locaux comme Cherrie Records, Blues Connoisseur, Esiobud ou Messaround (l’anthologie “Blue Bay”, dont il partage l’affiche avec Luther Tucker, Hi Tide Harris et quelques autres). 

Repéré à l’occasion d’une tournée européenne, il sort son premier album, le très réussi “I Don’t Want My Blues Colored Bright” enregistré à San Francisco avec J.J. Malone, sur un label suédois, Amigo. Au début des années 1980, il tourne à deux reprises en Europe, et notamment en France, avec le San Francisco Blues Festival de Tom Mazzolini, documenté sur disque par deux anthologies qui paraissent sur le label français Paris Album. La même maison de disques publie deux albums studio de Rhodes, “Forever And A Day” et “Won’t Rain In California”, enregistrés avec des musiciens français, tandis qu’un album live, “In Europe”, paraît chez les Italiens d’Appaloosa. Le résultat artistique est cependant fort médiocre, notamment sur les disques français, plombés par des arrangements à tendance disco très incongrus.

Guitar Shorty et Sonny Rhodes, Long Beach, Californie, septembre 1999. © Boo Boo Récaborde

Sonny Rhodes reprend les choses en main en 1985 avec l’autoproduit “Just Blues”, crédité à Sonny Rhodes & The Texas Twisters, auquel participent Troyce Key et J.J. Malone et qu’il publie sur son propre label, Rhodes-Way Records. Faute de distribution, le disque reste cependant très discret et il faut attendre la fin des années 1980 et sa rencontre avec le producteur Bob Greenlee pour que sa carrière discographique décolle réellement, avec une série d’albums bien accueillis qui paraissent sur Ichiban et King Snake jusqu’à la fin des années 1990. Deux albums pour Stony Plain, un pour Blues Express et un pour Greater Planet Entertainment se succèdent ensuite jusqu’au début des années 2000, alors que Rhodes bénéficie d’une exposition médiatique inédite lorsqu’il interprète la chanson de la série télévisée Firefly.

S’il publie un nouvel album (ainsi qu’un DVD live) à la fin de la décennie sur le label italien Feelin’ Good Records, c’est surtout sur scène que s’exprime désormais Rhodes, qui apparaît en 2008 au regretté festival Vache de Blues et a ses habitudes au fameux club Biscuits & Blues de San Francisco. Paru en toute discrétion en 2017, “The Essential Sonny Rhodes – Songs And Stories”, mélange de musique et de souvenirs racontés, vient mettre un point final à la trajectoire de celui qui se présentait volontiers comme un « disciple du blues ».

Texte : Frédéric Adrian
Photo d’ouverture © Jean-Pierre Arniac

Avec Bob Corritore et Dave Riley, Vache de Blues 2008, Villerupt. © Christophe Mourot
Frédéric AdrianSonny Rhodes