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Chroniques / 09.09.2022

Son Little, Like Neptune

On pensait le voir sur scène célébrer la sortie du merveilleux “Aloha” réalisé à Paris avec Renaud Letang. C’était prévu fin mars 2020… Deux ans et demi plus tard, Aaron Livingston revient avec un autre album sous le coude, le quatrième, toujours sur Anti-. Retour à son habituel procédé solitaire qui le voit tout écrire, tout jouer (à deux-trois détails près), tout chanter, tout produire.

Drumming mat, âpre et saisissant, basse sourde et menaçante, zébrures de guitares cabossées dialoguant avec de vieux claviers hantés… Le multi-instrumentiste continue de forger sans le figer un univers sonore bien à lui. Ne pas s’arrêter à la pochette tristounette diamétralement opposée à la précédente, Son Little sait toujours faire entrer, rougeoyer et rejaillir la lumière à travers des morceaux qui s’apprivoisent au fil des écoutes. L’entame directe et l’assise explosive de Drummer sont un leurre. Déjà ce chant éraflé qui demande « un peu d’air » témoigne d’un besoin d’espace, clé de voûte du son de Son. Un besoin de prendre son temps, tels ces couplets de 6 AM qui marquent des pauses et font affleurer le souvenir d’About her. again (“Aloha”).

Ce faux détachement, cette mélancolie à la fois profonde et d’une grande vitalité, cette voix qui tord ou contourne le “beau” pour mieux étreindre constituent un fil conducteur des plus attachants. Place ainsi à des déclarations embrumées (Bend yr ear, Stoned love), à un chaud-froid intraitable (No friend of mine), à une amertume rampante qui soudain interpelle et se mue en rage contenue au bord de l’explosion (Playing both sides). Et puis à Gloria, cette ode au ressourcement qui vibre fort calmement non loin du fameux Lay down (2015). En maître explorateur de la tension nonchalante, Son Little poursuit sa route de sorcier soul. 

Nicolas Teurnier

Note : ★★★★
Label : Anti-
Sortie : 9 septembre 2022

Anti RecordsNicolas TeurnierSon Little