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Brèves / 28.11.2015

Smokey Wilson (1936-2015)

Le 17 septembre dernier, nous nous interrogions sur le décès possible de Smokey Robinson, sans en trouver alors la confirmation. Et puis, une actualité chassant l'autre, nous sommes passés à autre chose. Une lacune que nous souhaitons combler aujourd'hui que cette triste nouvelle est confirmée sur plusieurs sites fiables.

Né Robert Lee Wilson le 11 juillet 1936 dans le Mississippi, à Glen Allan, il manifesta vite son désir de jouer de la guitare, s'en bricolant une avant d'en acquérir une "vraie". Influencé par tous ses glorieux aînés, Howlin' Wolf en tête, il forgea sa personnalité dans les juke-joints autour de Greenville, côtoyant Little Milton, Frank Frost ou Big Jack Johnson. Little Robert & The Soul Searchers fut son premier groupe avec Roosevelt "Booba" Barnes à l'harmonica.

Après la mort de sa mère, en 1970, il s'installa à Los Angeles et devint un acteur incontournable de la scène locale lorsqu'il ouvrit le Pioneer Club. Le club prit vite des allures d'université du blues, programmant des légendes comme Big Joe Turner, Pee Wee Crayton, Big Mama, Albert Collins, George Smith que venaient entendre des apprentis bluesmen comme Rod Piazza, William Clarke ou Hollywood Fats.

Smokey Wilson et Johnny Dyer au Pioneer Club. Los Angeles, 1982 © André Hobus
 

C'est Jules Bihari qui enregistra le premier Smokey, produisant deux albums en 1977-78 sur son label Big Town : "Blowin' Smokes" et "Sings The Blues", alors que d'autres faces paraissaient au Japon sur P-Vine. (Un CD Ace publié en 2006 pioche dans ce matériel.) Les influences de Smokey sont bien identifiables, le Wolf pour la voix, B.B. King et Elmore James pour la guitare, avec parfois un clin d'œil à Jimmy Reed ou John Lee Hooker.

En 1983, Rod Piazza, devenu le leader des Mighty Flyers, produit l'album "88th Street Blues" sur Murray Brothers où il accompagne Smokey avec Honey Alexander au piano et Hollywood Fats à la guitare. Remixé et augmenté, il reparaîtra en CD sur Blind Pig. Trois ans plus, c'est au tour de William Clarke de se mettre à son service pour un CD Black Magic où Fred Kaplan (piano) et Alex Schultz (guitare) ont aussi été convoqués. Devenu une figure respectée du blues californien, il est à l'affiche de nombreux festivals et il signe un contrat de trois albums avec le label Blueseye Blues qui finiront d'asseoir sa réputation mondiale avec "Smoke n' Fire" (1993), "The Real Deak" (1955) et "The Man from Mars" (1997).

Smokey Wilson à Bruxelles, le 22 février 1997 © Dominique Papin
 

Sauf erreur ou omission, c'est en décembre 1996 qu'il fit sa première apparition en France, à Bagneux, en remplacement de Joe Hughes qui avait déclaré forfait une semaine avant le concert. Le groupe Blues dansl'boogie (avec les tout jeunes Steve Verbeke et Jérémie Tepper) avait bossé le répertoire de Wilson et, lors des balances, un seul morceau avait suffi à convaincre Wilson qu'il n'y aurait de problème avec le renfort de Guillaume Petite aux claviers. J'ai retrouvé ce que j'avais alors écrit dans Soul Bag (145) : « Non seulement, il n'y eut pas de problème, mais c'est un triomphe que récolta Smokey. Son naturel, son énergie, son exubérance, son sens de la scène eurent raison des moins réceptifs. C'est une véritable ambiance de fête qu'il sut instaurer. »

"After" mémorable à Bagneux, le 7 décembre 1996, avec Jacques Périn  © Jean-Pierre Arniac
 

Trois mois plus tard, il était de retour en France, au New Morning, accompagné par B.B. & The Blues Shacks. On le revit encore en 1999, au Maxwell Café, à Neuilly, où Christophe Mourot réalisa une bonne interview (parue dans notre numéro 158). Après un album aux côtés de Curtis Tillman et South Side Slim en 2000, sa santé déclina rapidement ce dont témoigne son ultime enregistrement, "Ready To Roll" en 2003, avec l'orchestre d'Andy T (aujourd'hui associé à Nick Nixon).
Smokey Wilson, sans avoir été un novateur ou un styliste incontournable, était un bluesman authentique, à la présence scénique irrésistible, d'une grande humanité. Il s'est éteint dans son sommeil le 8 septembre 2015.

Jacques Périn