Relocalisé au Danemark depuis 2015, découvert au sein du duo Trainman Blues, le chanteur-guitariste irlandais Richard Farrell publie avec “Bathing in Cold Water” son premier album solo. Huit morceaux, une absence quasi totale d’overdubs, un jeu direct qui privilégie l’impact du ressenti à l’exactitude formelle : cette musique profondément humaine suinte le blues à chaque coin de note.

Pas forcément sur le plan stylistique tant les compositions du baladin Farrell s’abreuvent à de multiples sources : folk (le dépouillement instrumental), jazz (l’improvisation, l’audace), soul (l’universalité thématique) ou pop (l’évidence des mélodies). Ce disque vit. Oh, il ne s’agit pas d’un fleuve tranquille ! Plutôt un torrent d‘émotions contrariées fait de doutes, d’errances et d’orages. De moments d’apaisement et de rais de lumière aussi. La mise à nu de la pochette n’est pas uniquement symbolique. Farrell transcende son désespoir en explorant les tréfonds de son âme, à la limite de la folie – cette transgression des codes et de la raison – comme lorsque sa voix se brise sur Whose steps will I follow, emportant avec lui le cœur de l’auditeur.

Chanteur atypique à la technique imparable, au timbre légèrement voilé et au vibrato palpitant, il aborde chaque titre comme un jazzman, fougueux, en complète liberté, n’hésitant pas à s’affranchir des règles pour mieux traduire la violence de ses sentiments. Le cousinage avec Nina Simone est évident et on ne s’étonnera guère de l’écouter reprendre – avec quel panache ! – I wish I knew how it would feel to be free. L’accompagnement cahoteux des musiciens danois est de toute beauté, en particulier les claviers de Lars Emil Riis Madsen (le piano électrique de Never been told, les accords aériens de Watch the storm) et la batterie subtile, pleine de groove, de Lars Heiberg Andersen.

Ulrick Parfum

Note : ★★★★ (Scoop)
Label : Miaow
Sortie : 17 février 2023