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Brèves / 23.08.2012

Quand les plaques poussent

Dans notre numéro 207 actuellement en kiosques, nous avons chroniqué le livre de Stephen A. King I’m Feeling the Blues Right Now – Blues Tourism and the Mississippi Delta (University of Mississippi Press), dans lequel l’auteur livre un bilan lucide et intéressant de la situation et des enjeux du tourisme musical dans la région. Plus récemment, le 9 août dernier, nous révélions ici que le gouverneur du Mississippi Haley Barbour envisageait carrément de faire de son État un nouveau paradis fiscal… Mais ne nous égarons pas. Pour mettre en valeur son patrimoine musical, le Mississippi dispose déjà entre autres de la Country Blues Trail et de la Blues Trail, qui réalisent des plaques commémoratives (markers) consacrées notamment à des musiciens, des sites, des labels et autres radios ayant joué un rôle important dans l’histoire de ces genres artistiques. Dans une optique similaire, nous apprenons au moment de boucler le lancement au Mississippi de l’AgriTourism Trail, dont les plaques (une trentaine à l’heure qu’il est) sont cette fois implantées en des lieux symboliques du terroir et de l’agriculture : cela va des fermes et plantations aux produits et élevages locaux en passant par l’artisanat. De prime abord, l’initiative peut être louable si elle relance l’économie locale en attirant des touristes américains et étrangers, et surtout si cela se traduit par de nouveaux emplois. CQFD. Mais si on pousse un peu la réflexion, on se demande si cette politique « à grands coups de plaques dans le trou du cul des States » (car n’oublions pas que d’aucuns désignent ainsi trivialement le Mississippi), qui tend à privilégier un passé figé au détriment de ceux qui incarnent les forces vives en place, est la meilleure (et seule) solution. Certes, il ne s’agit pas de cracher dans la soupe et nous sommes les premiers à nous réjouir de l’inauguration par exemple d’une plaque ou d’un musée honorant un de nos musiciens préférés, mais la question mérite d’être posée. Et en termes d’agriculture, ce serait un comble de constater que seules les plaques peuvent pousser de nos jours au Mississippi.

Daniel Léon