Alligator fête les 40 ans de “Showdown!”
07.10.2024
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La voix d’un soulman et la guitare d’un bluesman, un chant à la Otis Clay et un jeu à la Albert King : si les étiquettes comptaient, c’est ainsi que pourrait être décrit le style à la fois incisif et chaleureux, qui évoque parfois Little Milton, de Preston Shannon, décédé le 22 janvier 2018.
Né le 23 octobre 1947 à Olive Branch dans le Mississippi, c’est à Memphis, une quarantaine de kilomètres plus loin, qu’il grandit et fait ses débuts musicaux, tout en travaillant à côté, dans différents groupes locaux. C’est à partir des années 1980 qu’il se lance à temps plein comme musicien, d’abord en accompagnant Syl Johnson puis en rejoignant le groupe de la chanteuse soul Shirley Brown, pour qui il coécrit même un titre, Love fever paru sur son album de 1984, “Intimate Storm”. Une autre de ses compositions, Don’t stop, est enregistrée par J. Blackfoot la même année. Au début des années 1990, il monte son propre groupe et se lance en solo, se produisant essentiellement dans les clubs de Memphis.
Bruxelles, 1998 © Dominique Papin
C’est dans un de ces établissements que le repère le producteur Ron Levy, qui lui permet de signer, en plein cœur du “blues boom” des années 1990, avec Bullseye Blues, une sous-marque de Rounder et de publier en 1994 un premier album, “Break The Ice”. Plus discret que la majorité de ses contemporains, Shannon continue à se produire essentiellement à Memphis, et c’est là qu’il enregistre, sous la houlette du producteur Willie Mitchell, son album suivant. Paru en 1996, “Midnight In Memphis”, porté par la chanson du même nom, est une totale réussite – sans aucun doute un des meilleurs disques de la décennie –, confirmée trois ans plus tard par “All In Time”, toujours produit par Mitchell avec l’élite des musiciens de la ville. À la fois ancré dans la tradition et ouvert à la modernité – Shannon y reprend notamment Purple rain, pas encore une évidence pour un bluesman –, l’album aurait dû être celui de la révélation au-delà du public habituel du blues et de la soul, et un single est même publié, Tired of the ghetto bringing me down.
Spring Blues Festival, Ecaussinnes, 2013 © Alain Jacquet
Mais le blues boom des années 1990 touche à sa fin, et Rounder ne va pas tarder à mettre un terme à l’aventure Bullseye. Privé de label, Shannon se concentre alors sur son travail scénique, en particulier au B.B. King’s Blues Club de Memphis, où il acquiert le surnom – dont il est loin d’être le seul détenteur ! – de “Roi de Beale Street”. Il tourne également régulièrement en Europe, essentiellement en Belgique (à Ecaussinnes, notamment, en 2013) et aux Pays-Bas, mais ne fait que de trop rares apparitions festivalières en France, en particulier au Bay-Car et à Chedigny. Il faut attendre 2006 pour le voir publier un nouvel album, “Be With Me Tonight”, sur un petit label indépendant (Title Tunes). Bien accueilli malgré des moyens réduits, le disque fait l’objet d’une édition européenne quatre ans plus tard sous le titre “Goin' Back To Memphis” (Continental Blue Heaven). Un disque plus décevant, faute d’un répertoire à la hauteur, paraît en 2014, sous le titre “Dust My Broom” sur Continental Record Services, et marque la conclusion d’une carrière qui n’a pas atteint les sommets que le talent de Shannon méritait largement.
Frédéric Adrian