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Brèves / 23.03.2011

Pinetop Perkins, l’avant-dernier

Il ne reste plus que Honeyboy Edwards. Oui, lisez ceci attentivement. Honeyboy est le dernier bluesman vivant qui ait directement appris sa musique auprès des fondateurs du blues, nés au tournant des XIXe et XXe siècles (Charley Patton, Tommy Johnson, Son House, Big Joe Williams, etc). Pour avoir côtoyé ces pionniers, il faut être né dans les années 1910. C’est le cas d’Edwards, qui aura 96 ans le 29 juin prochain. C’était le cas de Pinetop Perkins, né le 7 juillet 1913 et mort dans son sommeil avant-hier lundi 21 mars 2011 à l’âge de 97 ans à Austin, Texas. Toujours très actif, il s’occupait encore de sa fondation qui organise des ateliers pour les jeunes musiciens, prenait part à des tournées et enregistrait avec succès, son dernier CD avec Willie « Big Eyes » Smith (« Joined At The Hip ») ayant récemment obtenu le Grammy Award du meilleur album de blues traditionnel… Le très long parcours de Joe Willie Perkins débute donc en 1913 à Belzoni au Mississippi, où il privilégie d’abord la guitare. Mais, au début des années 1940, il se bagarre avec une choriste qui le poignarde au bras, causant de graves problèmes tendineux qui l’obligent à se concentrer sur le piano. En 1943, il accompagne Robert Nighthawk à Helena (Arkansas) pour son émission de radio, qu’il délaisse toutefois pour rejoindre Sonny Boy Williamson II, qui anime la très fameuse émission King Biscuit Time. Perkins y reste trois ans, continue de collaborer avec Nighthawk (Jackson town girl, 1950), ainsi qu’avec Earl Hooker. En 1953, il enregistre le titre qui lui vaudra son surnom, le Pinetop’s boogie woogie de Pinetop Smith. Les années 1960 sont peu productives, mais en 1969, Muddy Waters fait appel à Pinetop pour remplacer Otis Spann. Puis Pinetop quitte Muddy en 1980 pour rejoindre le Legendary Blues Band avec lequel il tourne et enregistre beaucoup, certes pas sous son nom, mais cette expérience favorisera sa notoriété. C’est en 1976 qu’il enregistre son premier album, « Pinetop Is Just Top », pour le compte de Black & Blue, un disque qui attendra longtemps avant d’avoir un successeur (“After Hours”, en 1988). Une quinzaine d’autres suivent jusqu’à son décès. Dans ses dernières années, il demeure artistiquement crédible, bénéficie d’une reconnaissance internationale qui dépasse le cadre du blues, engrange honneurs et récompenses et semble immortel. D’ailleurs, en 2004, au volant de sa voiture à 91 ans, il trouve le moyen de se faire heurter par un train, un accident dont il sort à peine froissé ! Pinetop Perkins n’a créé aucun courant et n’était pas un leader. Mais par sa simplicité et sa sincérité à l’égard d’une musique qu’il n’a jamais trahie, son exceptionnelle longévité et ce qu’il représente, il a influencé (et il en influencera d’autres) des générations d’artistes. En cela, Mr. Perkins doit être cité en exemple dans l’histoire du blues.