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Brèves / 14.01.2016

Otis Clay (Rest In Heaven)

Les obsèques d'Otis Clay seront célébrées samedi à Chicago. “Une célébration de la vie” et un “retour à la maison” auxquels Soul Bag souhaite modestement s'associer.

Otis Clay n'était à coup sûr pas une vedette internationale. On trouvera péniblement une mention de sa disparition dans les grands journaux français. À mille lieux, évidemment, du flot de Unes planétaires suscitées par la mort de Bowie, légende aux 140 millions d'albums vendus. En revanche, les réseaux sociaux n'ont cessé de porter, depuis samedi matin heure française, les réactions d'une petite communauté d'admirateurs et d'amis bouleversés par le décès de l'un des derniers grands soulmen. De Chicago à Paris en passant par le Mississippi, l'Italie et, j'imagine, le Japon, chacun publie une photo en compagnie du chanteur – il était si photogénique –, chacun poste un lien vers l'une de ces chansons qui prennent soudain un sens nouveau (I can take you to Heaven tonight, When the gates swing open, Trying to life my life without), chacun se souvient d'une rencontre ou d'un concert. Un seul exemple, en Normandie, avec Marc Loison qui, dans son émission hebdomadaire Sweet Home Chicago, affirme naturellement que « l'on a tous quelque chose d'Otis Clay ». Invité de l'émission, le guitariste Fred Chapellier ne manque pas de rappeler la manière « magistrale, comme toujours », dont Clay avait interprété Love and happiness pour l'un de ses disques.

 

 

Cette ferveur unanime s'explique d'abord par la personnalité du défunt. Homme affable, généreux et disponible, Clay était l'interlocuteur privilégié de ceux qui cherchaient des infos sur les scènes soul et gospel d'autrefois. Joyeusement désordonné, son studio-appartement de Chicago était un point de ralliement incontournable de la Windy City. En éternel jeune homme, il se plaisait à surfer sur Internet pour montrer à ses visiteurs quelques vidéos en noir et blanc où on le reconnaît par exemple au sein des Gospel Songbirds. « Là, c'est moi, eh oui ! », lâchait-il avec son grand sourire.

 

 

Enfin, et ce n'est pas le moins important, Otis Clay répondait toujours présent quand on lui demandait d'interpréter le magnifique chant d'adieu When the gates wing open lors de funérailles. Il le fit pour des rois comme B.B. King et Bobby Bland, mais aussi pour de nombreux inconnus. Pour ces défunts, il acceptait de chanter, simplement parce qu'on lui demandait.

Mais évidemment, c'est avant tout par sa musique qu'Otis Clay nous a tant touchés. Si quelqu'un vous demande ce qu'est la soul music, peut-être pouvez-vous lui indiquer d'écouter Otis Clay. Lui qui n'écrivait pas ou très peu de chansons a fait siennes les compositions des meilleurs (auteurs sudistes). For the good times de Kris Kristofferson ; Sho' wasn't me de Ronnie Lovejoy ; Walk a mile in my shoes de Joe South. Idem avec des titres autrement plus identifiés tels que A nickel and a nail d'O.V. Wright et Love and happiness d'Al Green. Otis Clay était un artisan, à chaque performance il remettait l'ouvrage sur le métier. Sa voix était si forte et si dure à ses débuts, si forte et si douce par la suite. Avec cet étonnant chuintement, de plus en plus perceptible et de plus en plus touchant au fil des années. Enfin demandez à la bande de Soul Bag si elle se souvient de son concert de l'été 2006 à Cognac. Otis Clay était le président d'honneur du festival Blues Passion. Il a chanté sous la pluie, ou plutôt devant un public trempé, clairsemé mais heureux. Avec des cuivres et un magnifique guitariste de Chicago (Hollywood Scott), son orchestre était superbe. Otis et ses amis nous offraient deux heures d'une musique soul authentiquement bouleversante.

Samedi, Otis Clay retourne “chez lui”, au Ciel. La cérémonie aura lieu dans une église du South Side de Chicago, la Liberty Baptist Church. C'est sur King Drive, non loin de l'emplacement historique du Checkerboard Lounge de Buddy Guy. Chicago, loin de son Mississippi natal ? Peut-être, mais pour Otis, Chicago n’était qu’une banlieue du Mississippi.

Julien Crué