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Brèves / 12.01.2012

Omar Sharriff, le choc

Fin 2011, il devait tourner en France mais avait été remplacé au dernier moment par Leon Blue. C’eût été seulement sa deuxième venue dans notre pays, après un concert à Paris… il y a plus de 30 ans ! Mais le chanteur et pianiste Dave Alexander, aujourd’hui plus connu sous le nom d’Omar Sharriff, a été retrouvé mort dimanche 8 janvier 2012, chez lui à Marshall (Texas). Il avait 73 ans. Il s’agit de toute évidence d’un suicide : notre ami guitariste Jean-Pierre Duarte, qui aurait dû l’accompagner en France, explique que Sharriff ne supportait plus les contraintes de sa maladie, refusant de prendre les médicaments de son traitement… Triste fin pour un des meilleurs pianistes de l’histoire du blues, doublé d’un compositeur de premier plan. Né le 10 mars 1938 à Shreveport en Louisiane, il est encore enfant quand sa famille s’installe à Marshall, une ville considérée comme le berceau du boogie-woogie, un style auquel il restera toujours très attaché (même si son jeu d’une incomparable richesse s’inspirait également du blues californien et du jazz). Influencé par son père lui-même pianiste, il se forme en véritable autodidacte et gagne la Californie au milieu des années 1950. En 1960, il se convertit à l’islam et devient Omar Hakim Khayam (il se produira sous le nom d’Omar Sharriff ou d’Omar the Magnificent plus tard, à partir du milieu des années 1970). Personnage torturé, souvent décrit comme paranoïaque, il dira avoir quitté le Sud pour échapper au racisme, un thème qui reviendra souvent dans ses textes, comme d’autres thèmes sombres pas si souvent abordés par ses pairs dont la politique, les problèmes sociaux et la mort (à ce titre, on écoutera notamment Dirt on the ground, à propos du meurtre non élucidé de son frère à Oakland). Par son esprit, son écriture lui vaudra d’être comparé à Gil Scott-Heron, ce qui nous semble une analyse pertinente. Après avoir joué avec des grands dont Big Mama Thornton, Jimmy Witherspoon, Muddy Waters, Buddy Guy et Albert Collins, il participe en 1968 à une compilation pour World Pacific, « Oakland Blues ». Mais ce sont deux albums gravés en 1972 et en 1973 pour Arhoolie, « The Rattler » et « Dirt On The Ground », qui l’installent parmi les maîtres du piano blues moderne. Dans son Encyclopédie du blues, Gérard Herzhaft écrivait qu’il s’agissait peut-être du meilleur pianiste de blues encore actif… Mais Sharriff est un personnage complexe et difficile à gérer, ce qui ne favorise pas les engagements (cela explique sans doute aussi qu’il tourne peu à l’étranger). Dans les années 1990, il est toutefois l’auteur de quatre CD, « The Raven », « Black Widow Spider », « Baddass » et « Anatomy Of A Woman ». Bénéficiant d’un statut légendaire, il reste également actif autour de Sacramento. Début 2011, il avait déménagé à Marshall où, toujours selon Jean-Pierre Duarte, il devait entrer un studio en février prochain en vue d’un CD. Un retour aux sources paradoxal qui le mènera finalement à l’irréparable.