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07.10.2024
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Au-delà des tubes évidents, Maurice White, décédé le 3 février 2016, a joué un rôle majeur dans l’évolution des musiques afro-américaines, du jazz au disco en passant par le funk.
Né le 19 décembre 1941 à Memphis, c’est à Chicago, où il s’est installé à l’adolescence qu’il commence sa carrière musicale en tant que batteur au sein de l’orchestre maison de Chess, aux côtés notamment du bassiste Louis Satterfield. Dès le milieu des années 1960, on l’entend sur quelques-uns des plus grands succès du label : Slip-in mules de Sugar Pie De Santo, Rescue me de Fontella Bass, Summertime de Billy Stewart… À l’aise dans tous les contextes, il enregistre aussi bien avec Little Milton ou Mighty Joe Young qu’avec le saxophoniste Sonny Stitt. Courant 1966, il rejoint le trio du pianiste Ramsey Lewis, avec lequel il grave neuf albums et décroche même un premier Grammy. Il quitte le groupe en 1969 et monte, avec Wade Flemons et Don Whitehead, un groupe baptisé les Salty Peppers, qui publie quelques disques au succès relatif sur Capitol.
Courant 1970, Maurice White décide de réinventer sa carrière. Désormais installé à Los Angeles et rebaptisé Earth, Wind and Fire – en référence au signe astrologique de son leader –, le groupe, rejoint notamment par son frère bassiste Verdine, compte désormais dix membres. Après deux albums en forme de faux départ pour Warner Bros. et une participation à la musique du film de Melvin Van Peebles Sweet Sweetback's Baadasssss Song, Earth, Wind and Fire signe avec Columbia, et c’est un orchestre totalement redessiné, avec l’arrivée notamment de la voix de Philip Bailey, des percussions de Ralph Johnson et des claviers de Larry Dunn, qui signe un premier album pour le label. “Last Days And Time” passe à peu près inaperçu et il faut attendre le disque suivant, “Head To The Sky” pour que le groupe connaisse ses premiers succès. Mais c’est “Open Your Eyes”, paru en 1974 après de nouveaux changements de personnel, qui marque le début de la vraie popularité du groupe. Maurice White a désormais trouvé l’alchimie humaine et musicale parfaite, mêlant rythmiques funk, arrangements en big band inspirés du jazz, influences africaines – le fameux piano à pouce, instrument fétiche de White depuis le trio de Ramsey Lewis – et inspiration spirituelle pour les paroles et l’iconographie du groupe. Impossible d’ailleurs de ne pas noter les ressemblances – conceptuelles et idéologiques plus que musicales – entre son projet et le travail d’un Sun Ra…
© DR
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Earth, Wind and Fire, dont White est désormais devenu un des principaux chanteurs, enchaîne alors les tubes et les albums à succès jusqu’à la fin des années 1970, tout en donnant des concerts dont le côté spectaculaire n’a rien à envier au cirque promené par les différents groupes de George Clinton. En parallèle, White prête ses talents de producteurs à d’autres, de son ancien patron Ramsey Lewis à sa “découverte” Deniece Williams, en passant par les Emotions. Au contraire de nombre de ses contemporains, Earth, Wind and Fire absorbe sans difficulté la vague du disco, continuant à enchaîner les classiques sans mettre en cause son intégrité artistique. L’arrivée des années 1980 et la vogue des sons synthétique lui seront moins favorables : si le succès commercial est toujours de la partie, le son du groupe se banalise et White finit par décider à mettre Earth, Wind and Fire en pause pour quelques années. Il met à profit cette période pour réaliser un album solo anecdotique mais aussi pour multiplier ses interventions en tant que producteur pour des artistes aussi divers que Neil Diamond, Cher, Barbra Streisand et Jennifer Holliday. Là aussi, la réussite commerciale, à défaut de la créativité artistique, est au rendez-vous.
Earth, Wind and Fire se reforme en 1987. Sans retrouver la magie de la période 1973-1979, le groupe publie plusieurs albums originaux honorables – et au succès non négligeable – jusqu’au début des années 2000. C’est néanmoins essentiellement à la scène que se consacre le groupe, devenant une locomotive majeure du circuit “nostalgique”.
Atteint de la maladie de Parkinson depuis le début des années 1980, White se retire de la scène en 1994, même s’il lui arrive de faire quelques apparitions scéniques événementielles. Tout en accumulant les titres honorifiques, il continue à travailler occasionnellement en studio – en produisant par exemple un album du claviériste de (smooth) jazz-funk Brian Culbertson en 2008 – et à écrire. En 2007, il est producteur exécutif d’un album consacré à la musique de son groupe, “Interpretations: Celebrating the Music of Earth, Wind & Fire”, auquel participe différents artistes de la scène soul contemporaine comme Ledisi et Angie Stone. Mais les hommages plus ou moins officiels ne disent pas grand-chose de la popularité persistante, qui traverse largement les générations, de ses chansons et de l’influence immense de son travail, qui ne peut en aucun cas se résumer à tel ou tel succès.
Frédéric Adrian
© Legacy-Sony Music