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Interviews / 20.07.2020

Martha High garde le cap

2020 a commencé par une série de rendez-vous manqués pour Martha High : après que des problèmes médicaux l’ait obligée à annuler ses concerts du début de l’année, censés promouvoir la sortie d’un nouvel et excellent album, “Nothing Going Wrong”, ce fut au tour du confinement d’empêcher sa tournée. Contactée dans sa résidence espagnole, la chanteuse, qui en a vu d’autres au cours d’une carrière engagée au début des années 1960, ne perd pas pour autant le moral.

Interview Par Frédéric Adrian

Tout d’abord, vous avez dû annuler quelques dates en début d’année pour raison de santé… Comment allez-vous aujourd’hui ?

I feel good ! Je vais beaucoup mieux. Je devais avoir une opération chirurgicale, et j’ai fait une chute qui a aggravé ma situation. Je ne pouvais plus bouger mais je vais bien aujourd’hui, grâce à Dieu.

Après avoir vécu quelques temps en France et être rentrée aux États-Unis, vous êtes désormais installée en Espagne. Qu’est-ce qui vous a amené à faire ce choix ? 

J’ai beaucoup tourné en Espagne en 2017 et 2018 ce qui m’a permis de découvrir le pays. Je suis tombée amoureuse de Malaga. Ma principale raison de vivre en Europe, c’est que j’y travaille beaucoup, et aussi que je veux explorer d’autres pays. Il y a beaucoup de lieux historiques, et j’ai envie de m’y aventurer. 

“Ma musique est plus appréciée en Europe.”

Martha High

Ces dernières années, vous avez essentiellement enregistré pour des maisons de disques européennes. Est-ce parce qu’elles sont plus réceptives à votre approche et à votre style que les labels américains ?

Ma musique est plus appréciée ici en Europe. Je pense que c’est plus un son européen même si quelques radios jouent ma musique aux États-Unis. Personnellement, j’apprécie de travailler avec des musiciens européens, parce que j’aime le challenge de jouer avec d’autres musiciens, qui ont différents styles. 

Comme “Singing For the Good Times”, votre nouvel album sort sur Blind Faith. Comment êtes-vous entré en contact avec le label et avec son patron Luca Sapio ?

En fait, c’est lui qui m’a trouvé. Je me produisais à Rome avec un autre groupe, et M. Sapio est venu au concert pour m’interviewer. Après le concert, nous avons discuté et échangé nos numéros de téléphone. Il m’a dit qu’il souhaitait m’enregistrer et voilà où nous en sommes, deux albums plus tard ! 

C’est Luca Sapio qui a écrit, arrangé et produit la totalité de l’album. Comment est-ce que ça se passe avec lui ? Quels sont vos apports au processus créatif au-delà du fait de chanter ?

C’est ça qui est magnifique dans le fait de travailler avec Luca et le groupe : je suis partie prenante de chaque chanson ! Les morceaux me sont envoyés et je choisis ceux que j’ai envie de chanter. Nous discutons ensemble de ce dont le texte parle. Nous voulons tous que nos chansons soient capables de durer et je crois que nous y sommes parvenus.

“Si nous pouvons toucher les gens avec notre musique, d’une certaine façon cela pourra leur ouvrir les yeux sur certaines des choses qui se passent dans le monde.”

Martha High

Le nouveau disque évoque des sujets sociaux et politiques qui jusqu’ici n’étaient pas présents dans votre musique. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’en parler ?

Nous sommes tous inquiets pour notre futur, donc… Si nous pouvons toucher les gens avec notre musique, d’une certaine façon cela pourra leur ouvrir les yeux sur certaines des choses qui se passent dans le monde. On ne sait jamais… Je suis sûre que tout le monde trouvera dans ces chansons des liens avec des choses qui se passent de sa vie et dans le monde.

Quelle était l’idée derrière la chanson I sing America ?

Et bien, même si je vis en Europe, je n’ai pas abandonné mon pays. J’aime l’Amérique, et je chante comment nos ancêtres ont construit l’Amérique et qu’il faut leur être reconnaissant de leur dur travail pour nous conduire là où nous sommes aujourd’hui.

Au-delà des sujets politiques, “Nothing’s Going Wrong” reste un disque positif, avec des chansons comme Face my new future et I still have a lot to learn (About love)… Est-ce que cela reflète votre approche de la vie ? 

Je ne serai jamais trop vieille pour apprendre ! Notre mode de vie évolue, donc il faut être prêt à s’adapter. Après cette pandémie, il faut se préparer à un changement, nos vies ne seront plus les mêmes.

Il y a quelques mois, une de vos collègues au sein des Jewels, Margie Clark est décédée. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur les débuts de votre carrière ?

Les premières années ont été difficiles à vivre, mais je suis heureuse que ça se soit passé à cette époque et pas aujourd’hui. J’ai eu beaucoup de chance par le passé, et beaucoup de chance de rencontrer les Jewels. C’est avec elles que j’ai commencé leur carrière. Je resterai toujours en contact avec elles, particulièrement après avoir perdu Margie. 

Depuis que vous avez quitté le groupe de Maceo Parker il y a quelques années, vous ne travaillez plus que sous votre propre nom. Est-ce que la transition a été difficile pour vous ?

Non, pas vraiment. Après avoir travaillé avec M. Brown pendant trente-deux ans et M. Parker pendant seize ans, j’étais prête à faire le pas et une bonne partie de mon public me connaissait parce qu’ils étaient fans des deux légendes avec qui j’avais travaillé. C’était une bénédiction de commencer au moment où je l’ai fait. Je suis très reconnaissante d’avoir eu l’opportunité d’aller aussi loin et je remercie vraiment tous ceux qui me soutiennent ! 

Ces dernières années, vous avez tourné dans différents formats, du trio (avec les Soul Cookers) au plus grand groupe comme l’Italian Royal Family. Est-ce que vous avez une préférence pour un type d’accompagnement ? 

Non, pas vraiment. C’est merveilleux d’avoir différents types de groupes qui veulent travailler avec moi. C’est vraiment formidable ! Chaque groupe a son propre style de musique, et nous avons des shows différents, c’est génial !

L’année dernière, vous avez retrouvé pour une tournée d’anciens musiciens de James Brown qui tournent sous le nom des JB’s. Comment est-ce que cela s’est passé ?

C’est à chaque fois un plaisir, un honneur et beaucoup de rigolade ! C’est comme une fête de famille quand nous travaillons ensemble parce que nous rions et nous évoquons les souvenirs des années avec M. Brown, et nous jouons les chansons que nous avons interprétées ou enregistrées avec lui. C’était un immense honneur de travailler avec le plus grand artiste du show business. Il ne sera jamais oublié. 

Propos recueillis en avril 2020 par Frédéric Adrian.
Photos © J-M Rock’n’Blues

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