Il fut un temps où la soul chantait le présent, où elle portait les aspirations d’un peuple et les revendications de la jeunesse. Les années ont passé et si elle demeure encore vaillante près de soixante ans après sa naissance, si elle continue d’être célébrée par des musiciens du monde entier, elle s’est aussi standardisée, figée. La muséification guette… C’est pour échapper à l’enlisement qu’Arnaud Fradin et sa bande ont concocté un disque en prise directe avec l’actualité. Leur recette : mixer les styles sans œillères (blues, soul, funk et même un reggae, une première !), adapter leur méthode d’écriture et peaufiner des textes qui sortent des poncifs habituels.

Pari réussi sur toute la ligne ! Leurs compositions sont somptueuses (les déchirantes ballades soul Some tears you need to shed ou More & more, d’un niveau équivalent au dernier Kelly Finnigan ; la mélancolie acoustico-désabusée de Payday ; les lyrics coup-de-poing de Daddy got a gun), leurs arrangements haute-couture débordent d’inventivité (le funk orchestral de Branded by your love, tous cuivres dehors) et leurs saillies instrumentales sont pleines d’à-propos (les piqûres albert-kingiennes de Money ; l’orgue rougeoyant de You got my soul).

Au chant, Arnaud est toujours aussi convaincant (timbre patiné, falsetto ravageur) enrobant sa voix de chœurs bourrés de feeling (It ain’t time for a change). À la guitare, il reste fidèle au principe du less is more tout en diversifiant les approches : rythmiques délicates à la Curtis Mayfield, zébrures saturées façon Jimi, clapotis de wah-wah en son clair…

La production est une merveille de chaleur analogique ; elle séduira les fans de Hi Records comme ceux d’Isaac Hayes et, plus largement, tous ceux qui aiment la musique pour ce qu’elle contient de vérité humaine et de refrains à scander à tue-tête. Un grand album, que l’on brûle de découvrir en live. 

Ulrick Parfum

Note : ★★★★★ (Le Pied !)
Label : Mojo Hand
Sortie : 24 mai 2019