Doechii, L’Alhambra, Paris, 2024
07.11.2024
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18 octobre 2021.
En quelques années, Makaya McCraven s’est imposé, grâce en particulier au succès de ses albums pour le label International Anthem, comme une des nouvelles vedettes d’une scène jazz contemporaine à l’écoute des sons du monde, et c’est un New Morning à nouveau plein à craquer qui l’accueillait, au cœur d’une courte tournée française, un peu plus d’un an et demi après un premier passage très réussi dans les lieux – et Soul Bag y était, évidemment !
Annoncé en quintet avec notamment les fidèles Marquis Hill et Junius Paul, c’est finalement en quartet que se présente le batteur basé à Chicago, avec le pianiste Rob Clearfield – un habitué des scènes parisiennes –, le contrebassiste Joshua Ramos et le saxophoniste et flûtiste De’Sean Jones. C’est d’ailleurs celui-ci qui ouvre les hostilités, avec une sorte de saxophone électronique qui m’a semblé fort ressembler à l’instrument utilisé par l’immense Marshall Allen lors de la venue du Sun Ra Arkestra au même endroit en 2019. Aussi à l’aise au saxophone – électronique ou non – qu’à la flûte, il est, une fois résolus les quelques problèmes de sonorisation qui lui complique la tâche dans les premières minutes, le principal soliste, avec Rob Clearfield qui alterne entre ses différents claviers.
McCraven – qui n’est pas installé au centre de la scène mais sur le côté, ce qui lui permet d’avoir l’œil sur tous ses musiciens – assure de sa frappe puissante la conduite de l’ensemble, et notamment des changements de tempos et s’offre quelques excursions ponctuelles au premier plan, le temps de courts solos ou de quelques introductions. Si sa puissance menace par moments de noyer un peu ses partenaires – les contraintes sonores du format club ! –, il ne cède jamais à la démonstration, et tout son jeu est au service de la musique.
Bien qu’il ne soit pas encore sorti, une bonne partie du répertoire puise dans son prochain album, “Deciphering The Message”, une plongée inspirée et inspirante dans le catalogue Blue Note, avec des titres comme Sunset, Frank’s tune – un emprunt au pianiste Jack Wilson et à son album “Easterly Winds”, pas obligatoirement la référence Blue Note la plus évidente, et une belle occasion pour Jones de briller à la flûte – ou un Autumn in New York réinventé en Spring in Chicago. Quelques titres plus anciens, comme She knew – dans lequel McCraven s’offre un passage en mode binaire sous influence discoïde – ou l’irrésistible This place, that place, qui constitue un final parfait.
En rappel, la troupe s’attaque à sa façon au Fantasy d’Earth, Wind & Fire, confirmant – à l’instar de Maurice White, d’ailleurs – son refus des séparations artificielles entre jazz, R&B et hip-hop. L’ensemble du concert, suivi par un public très impliqué et très enthousiaste, confirme la place majeure qu’occupe McCraven dans une scène jazz contemporaine qui ne cesse de se défier des orthodoxies…
Texte : Frédéric Adrian
Photos © Frédéric Ragot