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Live reports / 09.09.2020

Let’s Get Together Club, New Morning, Paris

1er et 5 septembre 2020.

Descendre à Strasbourg-Saint-Denis ou à Château d’Eau, se glisser dans la rue des Petites Écuries, montrer son sac à l’inamovible Kasa, emprunter le couloir tapissé d’affiches plus ou moins historiques, déboucher sur la salle proprement dite, jeter un œil pour voir s’il y a des copains – il y en a toujours –, choisir sa place et attendre que la porte située à droite de la salle scène : ce rituel,  les amateurs parisiens de musiques afro-américaines en ont été privés pendant quasiment six mois, depuis un triste soir de mars.

Même si la situation est loin d’être réglée, comme sa directrice l’expliquait quelques jours plus tôt à Soul Bag, le New Morning a décidé de rouvrir ses portes, un peu après certains de ses concurrents, avec trois semaines festives à prix doux pour accueillir trois des collectifs qui animent régulièrement le lieu : les jammeurs de La Petite Écurie, l’orchestre résident Echoes Of, et, pour la première semaine, l’équipe de Let’s Get Together, le all star de la scène soul française piloté par Lisa Spada (cf. SB 238). Le tout se tient dans des conditions sécurisées (sens de circulation, port du masque, places assises uniquement et respect des distances), rassurantes pour le public sans rien enlever à l’atmosphère.

Le premier soir, celui de la réouverture du lieu, c’est une déclinaison gospel de la troupe Let’s Get Together qui était proposée, portée par quatre voix – celles de Lisa Spada, Indy Eka, Agyei Osei et Brice Pihan – et un piano, celui de Michael Dravigny, habitué de la scène gospel française. En attendant le début de la soirée, c’est Étienne Atn Dupuy, un autre habitué des lieux, qui ambiance la salle avec un mix thématique avec quelques perles entre soul et gospel – et même un clin d’œil pertinent au très regretté D.J. Rogers. 

C’est sur un titre des Clark Sisters interprété à quatre voix, Is my living in vain, que s’ouvre le programme du soir. Si l’ambiance est évidemment gospel, le répertoire évite les évidences trop rabâchées – ni Oh happy day, ni When the saints au programme, dieu merci –, avec des emprunts aussi bien chez Kirk Franklin (He will provide) que chez la famille Staple (Uncloudy day), mais aussi des titres venus de la soul classique (Day dreaming et Spirit in the dark d’Aretha Franklin, Grandma’s hands…) ou plus contemporaine (Beautiful de Mali Music, Best part de Daniel Caesar…) traités dans l’esprit – seul Living for the city de Stevie Wonder paraît un peu incongru, tandis que le Make it happen de Mariah Carey s’inscrit étonnamment bien dans l’ensemble.

Les quatre voix se partagent les titres, passant avec naturel du rôle de soliste (éblouissante Lisa Spada sur le How I got over de Clara Ward popularisé par Aretha Franklin et Mahalia Jackson) à celui de choriste grâce à des harmonies vocales affûtées. L’émotion de retrouver la scène est grande pour les artistes, et Indy Eka, qui fait office de porte-parole du groupe, partage volontiers son plaisir à chanter en public. Côté salle, passé le sentiment d’étrangeté du moment, les spectateurs ne se font pas prier pour répondre aux sollicitations des artistes et, même masqué, chante à pleine voix, mais résiste au rapprochement, même quand le quatuor attaque en final un Reach out and touch somebody’s hand peu approprié aux circonstances ! Il est à espérer que l’expérience en format gospel, finalement assez rare sur la scène française, se poursuivra au-delà de cette jolie soirée.

Lisa Spada, Agyei Osei, Indy Eka, Brice Pihan. © Cindy Voitus
Michael Dravigny. © Cindy Voitus
Lisa Spada, Agyei Osei, Indy Eka. © Cindy Voitus
Lisa Spada, Agyei Osei, Indy Eka. © Cindy Voitus
Agyei Osei, Indy Eka, Brice Pihan. © Cindy Voitus
Michael, Dravigny, Indy Eka, Agyei Osei. © Cindy Voitus
Indy Eka, Brice Pihan. © Cindy Voitus
Lisa Spada, Agyei Osei. © Cindy Voitus
Indy Eka, Brice Pihan. © Cindy Voitus
Michael Dravigny, Lisa Spada, Agyei Osei, Indy Eka, Brice Pihan. © Cindy Voitus
Agyei Osei, Indy Eka. © Cindy Voitus

Quatre soirs plus tard, après des soirées consacrées à Nina Simone (par Ann Shirley), Vulfpeck et Joey Dosik (par Tanya Michelle) et aux années Columbia d’Aretha (par Lisa Spada), c’est au tour d’un autre habitué des scènes parisiennes – et notamment de celle du Bizz’Art, dont la réouverture est attendue pour début octobre –, le chanteur Driss Farrio, d’occuper la scène avec ses musiciens (Jérome Gâteau à la basse, Alex Poyet à la batterie, Alex Galuppi à la guitare, Khalil Maouène aux claviers, Christophe Alary au saxophone, Lorenz Rainer à la trompette et Vincent Aubert – que les fans de Malted Milk connaissent bien – au trombone, pour une soirée dédiée à la soul et au funk des années 1970 – entendues au sens large, puisqu’elles incluent aussi bien I heard it through the grapevine de Marvin Gaye, sorti en 1968, que When doves cry de Prince, paru en 1984 !

À nouveau accueilli par le set d’Étienne Atn Dupuy, le public n’a pas besoin de grand-chose pour se mettre dans l’ambiance festive du show, et il suffit du riff de guitare de Give me the night de George Benson pour qu’il décolle ! Avec un orchestre parfaitement réglé et attentif à chacun des gestes de son leader, Driss Farrio propose un répertoire de “crowd pleasers” bien choisi. Il évite les titres trop souvent repris au profit d’une sélection fine de classiques empruntés aux meilleures sources, de Earth Wind & Fire aux Temptations, et les habite d’une voix puissante, qui n’a pas besoin de céder à l’imitation pour être crédible. Difficile de résister au groove d’un medley James Brown qui enchaîne The big payback, Get Up, get into it, get involved, Soul power, It’s a man’s man’s man’s world et Sex machine et pour lequel le guitariste Alex Gallupi convoque les meilleurs plans du regretté Catfish Collins !

L’équipe du New Morning fait de son mieux pour convaincre les spectateurs de rester malgré la frustration sur leur chaise, mais la température de la salle dépasse celle de l’ébullition pendant une bonne partie du show, et même l’entracte obligatoire ne suffit pas à calmer les ardeurs d’un public qui profite pleinement de retrouvailles très attendues avec l’énergie live de la soul et du funk… en attendant la suite ! 

Texte : Frédéric Adrian
Photos © Cindy Voitus, Stella K et J-M Rock’n’Blues

Lorenz Rainer, Christophe Alary, Driss Farrio. © Stella K
Driss Farrio, Alex Galuppi, Jérôme Gâteau. © Stella K
Jérôme Gâteau, Alex Poyet. © Stella K
Vincent Aubert, Lorenz Rainer, Christophe Alary. © Stella K
Khalil Maouène. © Stella K
Driss Farrio, Alex Galuppi. © Stella K
Ann Shirley. © J-M Rock’n’Blues
Anthony Jambon. © J-M Rock’n’Blues
Ann Shirley. © J-M Rock’n’Blues
Yoann De Danier. © J-M Rock’n’Blues
Swaéli Mbappé. © J-M Rock’n’Blues
Nicholas Vella, Ann Shirley, Swaéli Mbappé, Anthony Jambon, Yoann De Daniel. © J-M Rock’n’Blues
Ann Shirley. © J-M Rock’n’Blues
Agyei OseiAnn ShirleyBrice PihanCindy VoitusDriss FarrioFrédéric AdrianIndy EkaJ-M Rock'n'BluesLet's Get TogetherLisa SpadaNew Morning