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Brèves / 28.12.2012

Jimmy McCracklin 1921-2012

Figure tutélaire du rhythm & blues de la Côte Ouest, le chanteur-pianiste Jimmy McCracklin s’est éteint le 20 décembre, à l’âge de 91 ans. Originaire d’Helena, Arkansas, il se dirige très tôt vers une carrière de boxeur, à laquelle un accident de la route met un terme. Démobilisé en Californie en 1945, il se tourne alors vers la musique. Admirateur des chanteurs-pianistes de blues Walter Davis et Memphis Slim, mais conscient de ce que sont encore ses propres limites au clavier, McCracklin s’adjoint d’abord les talents du pianiste J. D. Nicholson, et enregistre bientôt pour le label local Globe, qui publiera quatre 78-tours qui font entendre la voix profonde et puissante, à l’inimitable accent traînant, de Jimmy McCracklin dans un style proche de celui de son modèle Walter Davis.

En 1947, McCracklin part s’établir à Richmond, près de San Francisco, et s’assure les services du guitariste Robert Kelton, formant bientôt avec lui et le batteur Little Red un trio qu’il baptise Blues Blasters. Cette fois, il a acquis une maîtrise suffisante du clavier pour tenir lui-même le piano avec autorité. Progressivement, McCracklin infléchit son répertoire vers moins de blues lents et davantage de pièces “jump” enlevées, intégrant des cuivres à sa formation dès 1950. Entre blues à portée philosophique sur les relations de couple, dont il s’est fait une spécialité, et morceaux “qui déménagent” (le jeu tranchant du guitariste Lafayette Thomas y fait merveille), Jimmy McCracklin poursuit une carrière dont le réel succès restera toutefois local jusqu’à la fin de l’année 1957.


McCracklin dans les années 1950 © DR / Collection Gilles Pétard

À ce moment, Jimmy, qui a développé un talent particulier pour les innovations rythmiques incitant irrésistiblement à la danse, parvient à intéresser la puissante marque Chess à sa nouvelle trouvaille dans ce registre, The walk. Cette simple chanson à but fonctionnel est un succès national immédiat, atteignant la cinquième place R&B et la septième place Pop dans le classement du magazine Billboard. Capitalisant sur ce succès, Chess publie un album “Jimmy McCracklin Sings”. Désireux de rééditer l’exploit qu’il vient de réaliser avec The walk, McCracklin a écrit une autre chanson pour la danse, The wobble, mais Chess ne la publie pas sur 45-tours. Jimmy change donc à nouveau de label et en enregistre pour Mercury une nouvelle version, encore plus frénétique. Suivront dans la même veine Georgia slop et Let’s do it (The chicken scratch), mais sans parvenir à rééditer le succès de The walk.

C’est dans son registre “philosophique” qu’il retrouvera, à six reprises, un succès national. Et d’abord en 1961, avec Just got to know (deuxième place R&B et soixante-quatrième place Pop), qu’il sort sur sa propre marque Art-Tone. Cette réussite attire l’attention du puissant label Imperial, qui la publie à son tour. Le pacte ainsi établi avec Imperial durera sept ans au cours desquels McCracklin obtiendra encore des hits avec Shame shame shame, Every night every day, Think, My answer et Come on home. Il continuera, aussi, à y démontrer son talent à pimenter sa musique de trouvailles rythmiques idéales pour la danse, même si, curieusement, il n’a pas enregistré lui-même son fameux Tramp. Cette composition, offerte à son ami Lowell Fulson en 1967, sera un succès pour celui-ci, et plus encore pour Otis Redding et Carla Thomas (deuxième place R&B et vingt-sixième place Pop).


© DR

En 1971, Jimmy McCracklin signe avec le fameux label Stax, qui publie un album où il est accompagné par l’orchestre de Willie Mitchell. Il passera largement inaperçu, marquant le déclin sur le plan commercial d’un artiste de 50 ans qui restera encore actif pendant près de quatre décennies mais n’enregistrera plus que sporadiquement. Jimmy McCracklin faisait partie de ces artistes majeurs de la musique populaire afro-américaine (Bobby Bland, Junior Parker…) longtemps taxés de “commercialisme” par les critiques de blues puristes (blancs), et qui l’ont payé d’une reconnaissance très tardive auprès d’un public extérieur à leur communauté d’origine.
Joël Dufour