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Brèves / 31.01.2017

Jean-Pierre Arniac, 1946-2017

Lorsque Boogie était un passage obligé pour les amateurs/collectionneurs de blues, c'est le plus souvent à Jean-Pierre Arniac qu'ils avaient affaire. Il savait les conseiller, les orienter dans leur choix, pour peu qu'ils partagent son amour du blues – afro-américain et enraciné. Buddy Guy était son héros, mais la soul avait aussi ses faveurs et tout particulièrement les Temptations. Il m'est difficile de parler de lui au passé tant nous avons partagé au quotidien durant si longtemps.

C'est au Golf Drouot, dans les années 1960 que nous nous sommes rencontrés. Tous les samedis après-midi, sous l'égide du magazine Disco Revue, se réunissaient les “rockers” pour écouter des groupes (celui de Vigon était notre favori) et surtout discuter, comparer les mérites de nos disques préférés. Très vite, un noyau s'est constitué, animé par un goût prononcé pour le rock and roll des pionniers et… le cinéma fantastique. On y retrouvait des gens comme Dominique Lattron (qui lança le fanzine New Rock), Alain Jacquet, Daniel Bellemain (Black Cherry Blues), Jean-Pierre Ravelli, les frères Barbat, et Jean-Pierre Arniac et Louisette Skiba. Nos goûts évoluèrent rapidement vers le blues, le rhythm and blues et la soul naissante. S'ensuivit la création de Soul Bag et du CLARB. La formation de comptable de Jean-Pierre le prédisposait à la fonction de trésorier de l'association, mais, surtout, il se découvrit une passion pour la photo associée à la musique (l'une n'allant pas sans l'autre). Dès le numéro 7, ses photos des musiciens de Wilson Pickett parurent dans Soul Bag, et sa photo de Joe Tex faisait la couverture du numéro 9.

 

 

Dès lors, son travail fut largement mis à contribution. Durant des décennies, il ne manqua quasiment aucun concert parisien de soul ou de blues – ses archives en témoignent. Il avait une prédilection pour le jazz-club du Méridien Étoile, à l'époque où Viviane Sicnasi y programmait tous les talents du “soul bag”. Jean-Pierre les photographiait dès les premiers jours, puis leur apportait ses tirages, établissant ainsi un lien fort qui lui permettait de leur “tirer le portrait” en toute confiance. Il aimait par-dessus tout ces contacts, ces rencontres. Il développait une vraie proximité avec les artistes qui souvent acceptaient son invitation à venir chez lui goûter la cuisine de Louisette, comme Buddy Guy et Junior Wells, Eddy Clearwater, Irma Thomas, Homesick James, Larry Davis et tant d'autres. Mais son lien le plus fort, c'est avec Screamin' Jay Hawkins qu'il l'a tissé. Au point que Jay était venu s'établir à Levallois-Perret pour être près de son ami.

 


Jean-Pierre et Screamin' Jay Hawkins, Levallois, 1997 © DR

 


Jean-Pierre et Eddy Clearwater au premier étage de Boogie, Levallois, 1991 © DR

 

Entre temps, j'avais lancé Boogie, la boutique de disques, et quand il m'avait fallu trouver un partenaire, c'est naturellement à Jean-Pierre que j'avais pensé. Ensemble, nous avons développé l'activité, de 1976 à 2005 – lorsque le métier de disquaire est devenu obsolète. Parallèlement, le travail de photographe de Jean-Pierre était connu et reconnu. Il était sollicité pour des pochettes de disques (Black & Blue, Isabel, Vogue, Sound of New Orleans), des livres (L'Encyclopédie du blues de Gérard Herzhaft) ou des expositions – le vernissage de celle de la médiathèque de Levallois fut marqué par un amical concert de Jay Hawkins.

Après la fin de Boogie, il profita le plus possible de sa maison de Trois-Villes au Pays basque. Un village qui lui était cher et où il se découvrit une nouvelle passion : le jardinage. Intarissable qu'il était sur ses haricots verts et ses tomates ! Là-bas, il a continué la photo, pour les Pastorales notamment, et il a même exposé à Tardets et reçu un makila d'honneur, ce qui, en Soule, vaut bien une Légion d'honneur !

Mais en mars 2016 un cancer du côlon fut diagnostiqué, l'obligeant à rester à Levallois tout l'été. Une mauvaise chute aggrava son état et c'est le 28 janvier qu'il s'est éteint, paisiblement, après avoir reçu la visite de tous ses proches. R.I.P brother.

Jacques Périn

 


Lonnie Brooks et Jean-Pierre au bar du Méridien
© DR